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Les maisons des aînés doivent combler les fossés de genre

7 février 2023

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5min


Bien qu’il tende à se réduire, l’écart salarial entre les hommes et les femmes est toujours important. Pour chaque heure travaillée, les femmes du Québec gagnaient en moyenne 9,2% de moins que les hommes en 2021. Cet écart était de 16,6% en 1998.

Comment se fait-il que plus de 25 après l’adoption de Loi sur l’équité salariale, l’iniquité soit encore si grande? Alors que la CAQ accélère la construction des maisons des aîné·e·s et les chantiers routiers, nous nous pencherons sur le rôle que tient l’industrie de la construction dans la préservation du fossé salarial et du fossé de l’emploi au Québec.

En 2018, Statistique Canada a cherché à expliquer la réduction tout comme la persistance des inégalités salariales entre les hommes et les femmes. Parmi une panoplie de variables comme l’éducation, le régime d’emploi (temps plein ou temps partiel), la syndicalisation, la présence d’enfants ou l’âge, trois se sont révélées particulièrement significatives : l’éducation, la profession exercée et le type d’industrie dans lequel elle était exercée.

La répartition des emplois entre les industries est l’un des freins majeurs à l’égalité salariale. Quant au secteur de la construction, il s’avère être l’un des plus forts vecteurs d’inégalité salariale. Dans ce secteur, qui n’a cessé de croître dans les 25 dernières années, la rémunération est élevée et les conditions de travail sont bonnes. Or, les femmes ne goûtent pas miette de ces avantages puisqu’elles sont pratiquement absentes de l’industrie.

Mais pour que la différence sur le salaire horaire soit mesurée, encore faut-il que salaire il y ait. Les mesures sanitaires liées à la pandémie de COVID-19 ont provoqué une contraction du marché de l’emploi qui a principalement affecté les femmes, avec pour résultat une augmentation du fossé d’emplois entre les hommes et les femmes. En 2019, le nombre d’hommes âgés de 15 à 64 ans qui occupaient un emploi rémunéré dépassait de 152 400 (ou 7,7 %) celui des femmes occupant un emploi. La pandémie a fait grimper cette différence à 171 100 (ou 8,5%). Toutefois, le plus inquiétant n’est pas l’accroissement rapide de ce fossé de genre, mais surtout son maintien en contexte de reprise économique prompte et forte.

Si le secteur de la construction a un fort impact sur l’inégalité salariale, pourrait-il aussi contribuer à la poursuite du fossé de genre relatif à l’emploi?

Comme en témoigne le « Plan d’action pour contrer les impacts sur les femmes en contexte de pandémie » publié en 2020 par le Secrétariat à la condition féminine, la CAQ était consciente des effets disproportionnés des pertes d’emplois pour les femmes. Sa stratégie de relance n’en laisse pourtant rien paraître. En mars 2021, à l’aube de la reprise économique, le gouvernement caquiste a privilégié une augmentation considérable des dépenses publiques en infrastructures. Cette décision est basée sur les stratégies historiques de stimulation de l’emploi dans le secteur de la construction. En devançant les dépenses en infrastructures en plus d’y injecter 12 milliards de dollars de plus que ce qui était prévu en 2019, la CAQ a consacré près de 61% de son budget de relance à stimuler l’emploi dans le secteur de la construction.

Pourtant, ce secteur n’a pratiquement pas été affecté par la pandémie (voir graphique 2). De plus, malgré la modification de la loi R-20 visant à augmenter la présence des femmes sur les chantiers en 1995, leur proportion y a à peine crû. En 2021, soit 26 ans plus tard, les femmes ne représentaient que 3,27% de la main-d’œuvre assujettie à cette loi (voir graphique 3). De plus, l’écart salarial entre les hommes et les femmes est beaucoup plus élevé dans cette industrie, les hommes ayant bénéficié en moyenne de 2019 à 2022 d’un salaire hebdomadaire plus de 35 % plus élevé que celui des femmes.

Ainsi, le plan de relance économique du gouvernement Legault ne bénéficiera pas aux femmes du Québec, qui sont fortement minoritaires et moins bien rémunérées dans la construction. Il est totalement anachronique, voire absurde, que l’État mobilise des moyens monumentaux pour hausser le nombre d’emplois bien rémunérés dans une industrie qui peine autant à atteindre l’égalité de genre.

Au début de la pandémie, il était rassurant que la CAQ utilise des mécanismes de redistribution pour faire face à cette situation de crise. Elle n’a pas craint d’augmenter la dette publique comme ses prédécesseurs politiques, abandonnant la ligne dure de l’austérité que les libéraux avaient  imposée. Sachant que l’austérité avait affecté durement les femmes, cette trêve aurait pu annoncer l’arrivée d’une politique économique féministe. Il n’en est encore rien.

Alors que les risques d’une récession se font de plus en plus sentir, les stratégies de relance devraient avoir pour objectif de réduire les inégalités économiques entre les hommes et les femmes, et non les augmenter. En ce sens, et si l’égalité entre les genres est un objectif sérieux au Québec, la création de nouveaux chantiers doit cesser d’être un socle de relance. En revanche, investir dans des services sociaux et des soins de qualité est l’une des plus simples solutions proposées par des économistes comme Susan Himmelweit pour réduire drastiquement les inégalités économiques de genre et éviter qu’elles ne s’aggravent en cas de récession. La stratégie de création de bons emplois ne peut pas s’arrêter une fois que les maisons des aîné·e·s seront bâties, mais doit s’étendre jusqu’à leur opération quotidienne. Il faut sortir des vieux réflexes keynésiens qui font du béton un investissement et des soins une dépense. Une redéfinition de la relance est la seule condition par laquelle les maisons des aîné·e·s pourront s’ériger en symbole de l’égalité salariale prochaine.

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2 comments

  1. Et si la société trouvait une autre source de revenu que le travail pour les citoyens?

    Si le bénévolat était rémunéré, les femme gagneraient probablement 30% plus que les hommes!

    Puisque la société est basée sur la compétition, la consommation boulimique et la production illimitée, des comportements typiquement masculins, il est tout à fait normal que les femmes y sont injustement rémunérées, voire carrément exploitées.

  2. C’est tout?
    La qualité de iris baisse de mois en mois.
    On preferait le travail d’il y a quelques années (qualitatif vs quantitatif) avec moins d’opinions et d’orientation politique (wokisme ici)…

    “Il est totalement anachronique, voire absurde, que l’État mobilise des moyens monumentaux pour hausser le nombre d’emplois bien rémunérés dans une industrie qui peine autant à atteindre l’égalité de genre.”
    Ça , ça se nomme le nivellement par le bas.

    Remplacer la construction par les crèches ou infirmieres et ces deux derniers domaines ne meritent pas augmentation car im n’y a pas un equilibre de “genre “.

    J’espere que la masse comprendra quelles directions vous empruntez et les impostures intellectuelles sous couvert de “valeurs”

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