13 juin 2012 – Discours de Jacques Benoit, coordonnateur de la CSS, au Rassemblement de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, devant la Conférence de Montréal du Forum économique international des Amériques

 Il y a presque cinquante-deux ans aujourd’hui, jour pour jour, les québécois et québécoises élisaient un nouveau gouvernement, et débutait la Révolution tranquille. Avec le parti libéral de Jean Lesage, le Québec allait sortir de la grande noirceur de Duplessis, et se moderniser en se donnant un État providence, c’est à dire un État prévoyant qui pouvait intervenir dans les domaines économiques et sociaux pour réguler, pour contrôler.

L’État providence avait deux objectifs : un de protection sociale, pour protéger contre les risques de la vie, comme la maladie, l’indigence, la vieillesse, la perte d’emploi ; mais aussi un objectif de justice sociale, avec des mécanismes pour redistribuer les richesses, comme une fiscalité progressive. Ça, ça veut dire des impôts qui font que les plus riches paient un plus gros pourcentage de leur revenu que les moins riches.

Avant la Révolution tranquille, les services sociaux relevaient plus de la charité que de la solidarité. Le mérite primait sur le droit.

Comme société, à ce moment-là, on a fait le choix de la solidarité. Avec l’État providence, on a étatisé, on a nationalisé, on s’est donné des services publics, des services correspondant à des droits pour tous les citoyennes et les citoyens. Et en retour, le devoir de toutes et tous était de contribuer au financement de ces services par leurs impôts, selon leurs revenus. C’était « de chacun selon ses capacités ».

Parce que… Quand tout le monde paye le même montant sans égard au revenu, ça ne place pas tout le monde sur le même pied, on le sait bien.  

Il y a une autre affaire qu’on sait aussi : quand tout le monde paie le même montant, ça s’appelle un prix, et un prix, c’est généralement lié à une marchandise, à un marché.

Des choix budgétaires qui remplacent l’impôt progressif par une taxe santé ou par des tarifications, ça ne sert pas à financer nos services publics, ça sert à les « marchandiser ». Quand il impose une taxe santé, une hausse des frais de scolarité, et une hausse des tarifs pour rejoindre les prix du marché, comme il veut le faire avec l’électricité, le gouvernement veut permettre à des services privés de se développer et de faire concurrence à nos services publics, nos services publics qui manquent de financement, de ressources, qui se retrouvent avec des listes d’attente et qui finissent, à la fin, par être tarifés.

Le véritable objectif du gouvernement n’est pas de financer nos services publics, mais de les privatiser.

Et la gang de monde qui est en dedans, à cette conférence, c’est de ça qu’ils discutent : comment mettre en place des lois et utiliser des accords de libre échange pour transformer nos services publics en marché et nos droits en marchandises qu’on devra payer.

Et pour faire ça, ils ne reculeront devant rien : ils vont baisser les impôts des plus riches, ils vont  mentir, cacher des données et copiner avec des firmes privées, sous-traiter en cachette et en PPP au double et au triple du prix, ils vont privatiser, ils vont subventionner la construction d’autoroutes pis le développement d’un Plan Nord au service des compagnies minières,… Ben là, ça va faire!…

Dans les quatre derniers mois, un peu comme il y a 52 ans, il y a comme une nouvelle révolution tranquille qui s’est mise en marche au Québec, une révolution de la justice sociale. Et c’est un gouvernement libéral, celui de Jean Charest, qui voudrait bien cette fois l’arrêter avec des élections.

Ben, lors de ces élections, lorsque des membres du gouvernement ou de l’opposition se présenteront à nous en nous disant que tout est sur la table, que nous n’avons pas d’autres choix, et que c’est à nous d’être raisonnables, souvenons-nous que…

… le gouvernement ment!

Quand il nous dit qu’y pas d’argent, qu’il va falloir faire autrement… Le gouvernement ment!

Qu’il faut que l’on agisse vite sinon l’Québec va être en faillite… Le gouvernement ment!

« Rendez-vous compte, là c’est critique, ça va mal dans les finances publiques »… Le gouvernement ment!

« Le poids d’la dette va écraser toute not’ richesse, not’ PIB »… Le gouvernement ment!

« Oui, on a tout mis sur la table, maintenant c’t’à vous d’être raisonnables »… Le gouvernement ment!

« Y faut que chacun fasse sa part, c’est nous qui ferons l’plus gros effort »… Le gouvernement ment!

« On peut pas toucher aux impôts, le nombre de riches est pas assez gros »… Le gouvernement ment!

« C’t’au Québec qu’on est l’plus taxé, on n’a plus l’choix y faut couper »… Le gouvernement ment!

« Face à la mondialisation, il faut prendre les bonnes décisions »… Le gouvernement ment!

« On a vraiment bien trop d’programmes! R’gardez ailleurs, chez l’Oncle Sam »… Le gouvernement ment!

« Pis ceux qu’on a nous coûtent ben trop, comparés avec l’Ontario »… Le gouvernement ment!

« On peut plus t’nir la gratuit! Nos services, faut les tarifer »… Le gouvernement ment!

« Quand t’utilises, tu dois payer. C’est juste une question d’équité »… Le gouvernement ment!

« Vaut mieux faire en partenariat! Pour épargner y’a pas mieux qu’ça »… Le gouvernement ment!

« Faut pas trop taxer les profits, ni des banques ni des compagnies »… Le gouvernement ment!

« Y vont partir c’est garanti! ‘vont aller dans les autres pays »… Le gouvernement ment!

« Les Québécois travaillent pas assez, ‘faut plus de productivité »… Le gouvernement ment!

« Parce qu’la richesse faut la créer avant d’la redistribuer »… Le gouvernement ment!

« Not’ population vieillissante coûtera plus cher, ‘s’ra pu payante »… Le gouvernement ment!

« Nos employés, les syndiqués, y sont déjà grassement payés »… Le gouvernement ment!

« Pour arrêter le décrochage, faudrait que les profs s’y engagent »… Le gouvernement ment!

« On l’sait qu’les classes sont débordées! Une chance qu’on a les écoles privées »… Le gouvernement ment!

« Les frais, dans les universités, sont ben trop bas, faut les monter »… Le gouvernement ment!

« Pis on parle pas des garderies : tellement pas chères, presqu’d’la folie »… Le gouvernement ment!

« Faut suivre les lois du marché, augmenter l’électricité »… Le gouvernement ment!

« La seule façon d’faire la santé, c’est d’utiliser plus de privé »… Le gouvernement ment!

« C’pas parce qu’leurs services coûtent moins cher qu’on veut plus de communautaire »… Le gouvernement ment!

« On n’a pas l’choix, on est mal pris! Est-ce qu’on vous a déjà menti? »… Le gouvernement ment!

« Est-ce qu’on vous a déjà menti? »… Le gouvernement ment! (Répéter)