Les soins de santé pour toutes et tous les migrantEs

Lettre ouverte rédigée par le collectif Soignons la Justice Sociale

À l’attention de:

Marguerite Blais, Ministre responsable des Aînés et des Proches aidants
Lionel Carmant, Ministre Délégué à la santé et aux services sociaux
Danielle McCann, Ministre de la Santé et des Services sociaux
François Legault, Premier ministre du Québec
c.c.
Dr. Horacio Arruda, Sous-ministre adjoint, Directeur général de la santé publique
Dre. Mylène Drouin, Directrice régionale de la santé publique de Montréal

*Cette lettre s’accompagne d’un appel à l’action.

Le gouvernement du Québec a récemment pris la décision que le dépistage et les soins de santé en lien avec la COVID-19 seront désormais couverts par le Régime d’assurance-maladie du Québec (RAMQ) pour toutes les personnes qui résident au Québec, incluant celles non admissibles à une carte RAMQ. En tant que soignantEs et groupes défendant l’accès à des soins de santé dignes et de qualité pour toutes et tous, nous sommes indignéEs par l’exclusion des autres soins de santé (non directement liés à la COVID-19) de cette annonce.

Si cette décision est motivée par une approche de santé publique, elle est tout simplement vouée à l’échec. En effet, si l’objectif est d’éviter de nouvelles éclosions et d’aplatir la courbe de transmission, il est primordial de réduire au maximum les barrières susceptibles de décourager des personnes symptomatiques de consulter. Or, cette approche « à deux vitesses » risque de perpétuer le climat de peur qui empêche les personnes sans assurance médicale de consulter, par crainte de devoir débourser des sommes faramineuses ou d’être déportées. L’Organisation mondiale de la santé a été claire sur ce point fondamental : pour faire face à la pandémie, personne ne doit être exclu de l’accès aux soins.

De plus, cette politique est inapplicable et alourdit le travail des soignantEs en première ligne. Dans un contexte de transmission communautaire du virus, comment savoir si une personne qui se présente à l’urgence avec des symptômes respiratoires est atteinte d’une maladie « liée à la COVID-19 »? La priorité est de soigner et non de gaspiller temps et ressources précieuses en acrobaties bureaucratiques inutiles et discriminatoires.

Enfin, quel message le gouvernement envoie-t-il à la population avec cette politique ? Que les personnes migrantes au Québec ne sont dignes d’accéder aux soins de santé que lorsqu’elles souffrent de la COVID-19, c’est-à-dire présentent un potentiel enjeu de santé publique pour « Nous », les Québécois-es ? Ce discours perpétue la notion que les personnes migrantes sont un fardeau sur le système de santé, alors que celles-ci forment un pilier indispensable de notre société. Nombre de soignantEs – que le Premier ministre appelle « anges-gardiens » – qui sont en première ligne actuellement sont des migrantEs. Sans compter les personnes qui construisent nos maisons, gardent nos enfants, remplissent les tablettes dans les supermarchés et les pharmacies, cueillent nos fruits et légumes, travaillant souvent dans des conditions difficiles et dans la précarité.

Cette pandémie a braqué un éclairage brutal sur les failles de notre système de santé, résultats de décennies de désinvestissements massifs en matière de santé publique, de services sociaux et de soins de première ligne. Elle exacerbe aussi les inégalités sociales déjà existantes, rendant les plus vulnérables et marginaliséEs – dont les personnes sans statut – encore plus à risque de contracter la COVID-19 et d’en décéder.

Mais elle a aussi éveillé une admirable solidarité collective, comme en témoignent les initiatives d’entraide qui se multiplient autour de nous. Les dernières semaines nous ont démontré que notre système de santé n’est pas un monolithe bureaucratique immuable et qu’il est capable de changement.
Dans un contexte mondial où des millions de personnes migrantes sont déplacées par un système économique dont nous profitons, des catastrophes climatiques auxquelles nous contribuons grandement, de l’instabilité politique et sociale que nos gouvernements exacerbent, il est de notre responsabilité de répondre avec responsabilité et solidarité.

À l’heure où les appels à l’empathie et à la coopération se multiplient, nous demandons au gouvernement du Québec d’être à l’écoute. Pourquoi ne pas prendre l’exemple de l’Ontario, qui a annoncé le 25 mars dernier que tous les soins de santé, peu importe s’ils sont directement liés à la pandémie de la COVID-19, seraient désormais assurés pour ceux et celles qui ne remplissent pas les critères provinciaux pour détenir une carte d’assurance maladie? M. Legault, vous parlez du “devoir moral” de protéger les « plus vulnérables » : cela inclut tout le monde qui réside sur le territoire québécois.

Nous exigeons que le Gouvernement du Québec et le Ministère de la Santé s’engagent à couvrir l’ensemble des soins de santé pour toutes les personnes qui résident sur le territoire du Québec, indépendamment de leur statut migratoire, et ce immédiatement et de manière définitive.

Le collectif Soignons la Justice Sociale
http://www.soignonslajusticesociale.ca/

Signataires en date du 26 avril:

  • À Deux Mains
  • Alliance des communautés culturelles pour l’égalité dans la santé et les services sociaux (ACCESSS)
  • Association étudiante en sciences infirmières du Québec (AÉSIQ)
  • Association multiethnique pour l’intégration des personnes handicapées
  • Centre communautaire de femmes sud-asiatiques
  • Centre des femmes d’ici et d’ailleurs
  • Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTI)
  • Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA)
  • Coalition solidarité santé
  • Comité Guinéens unis pour le statut
  • Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL)
  • Créons des ponts
  • Ex aequo
  • Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN)
  • Fédération des maisons d’hébergement pour femmes
  • Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) – syndicat des professionnelles en soins de Montérégie Ouest
  • Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)
  • Jeunes médecins pour la santé publique (JMPSP)
  • Le Children’s sans frontières
  • McGill University Global Child Health Program
  • Médecins québécois pour le régime public (MQRP)
  • Montréal-Nord Républik
  • Mouvement PHAS (Personnes handicapées pour l’accès aux services)
  • Projet Accompagnement Solidarité Colombie (PASC)
  • Réseau d’action des femmes en santé et services sociaux (RAFSSS)
  • Regroupement de personnes qui exercent la profession d’intervenantes sociales au Québec (RECIFS)
  • Regroupement des organismes ESPACE du Québec
  • Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ)
  • Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec
  • Solidarité sans frontières (SSF)
  • Stella, l’amie de Maimie
  • Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB)
  • Table régionale des organismes volontaires d’éducation populaire de Montréal (TROVEP)