Les consultations qui s’achèvent sur le Livre blanc sur l’assurance autonomie ont permis de rendre compte du large consensus qui unit plusieurs acteurs du réseau de la santé. Nos membres (groupes d’usagères et d’usagers, travailleuses et travailleurs du réseau, organismes communautaires en santé et services sociaux) ont tous salué la volonté ministérielle d’investir dans les services à domicile. Mais ils ont également mis en garde le ministre sur les dérives de son projet.
En effet, plutôt que de profiter de ce tournant nécessaire vers le développement des services à domicile pour consolider nos services publics, le gouvernement veut plutôt miser sur la privatisation, avec tout ce que cela implique comme risques sur la qualité et la sécurité des services.
Si le ministre veut vraiment que son projet profite à l’ensemble de la société, il doit se traduire dans le respect des objectifs de notre système public de services sociaux et de santé. Et cela implique une augmentation, une intégration et une continuité de services, financés par les impôts.
Une couverture large et publique
Le Livre blanc s’égare séparant les personnes selon leur âge, et en associant « perte d’autonomie » à « personnes âgées ». On peut avoir une limitation fonctionnelle à tout âge. L’admissibilité devrait être fonction des besoins, et non de l’âge, en tenant compte des besoins particuliers. Cela favoriserait une meilleure intégration des soins et services.
Ajoutons que personne ne devrait payer ni pour ses limitations, ni pour sa perte d’autonomie. Il faut assurer les services à tous ceux et celles qui en auront besoin, quels que soient leur âge, leur type de limitation ou leur revenu.
Quoi qu’on en dise, les services à domicile font partie du réseau public de services sociaux et de santé. Le fait de changer le lieu de la prestation ne change pas la nature ni l’objet de la prestation. Pour cette raison, les services à domicile doivent profiter de la même couverture que ceux prodigués dans les institutions du réseau. Tous les services déterminés par les besoins doivent être gratuits à l’usage pour tous et toutes.
Qualité et sécurité
Le Livre blanc parle d’organiser et de donner les services à domicile à des catégories très différentes de personnes, dans des milliers de lieux différents nécessitant une coordination de multiples soins et services qui seraient rendus par des intervenant-e-s d’organisations différentes, parfois rémunéré-e-s, parfois bénévoles. Dans ce contexte, il y a un danger évident à la multiplication des sous-traitants et au morcellement des services que met de l’avant le Livre blanc. Cela ne favorise, ni ne facilite la continuité des services, encore moins le contrôle de leur qualité, et met en danger la sécurité des personnes.
Pensons qu’une personne ayant des limitations ou en perte d’autonomie a encore plus besoin de se sentir en sécurité, particulièrement si elle demeure dans son milieu de vie. Pour se sentir en sécurité, elle doit avoir confiance en qui lui prodigue soins et services : des personnes qualifiées pour accomplir leur travail de soutien. De plus, une relation de confiance et un sentiment de sécurité se créeront plus facilement si les personnes qui apportent le soutien sont les mêmes chaque jour : la stabilité du personnel facilite la communication, favorise le développement de la confiance et du sentiment de sécurité.
Le personnel des CSSS, qui travaille en équipe multi ou interdisciplinaire, assure à la fois cette qualité et cette continuité de services favorisant le maintien à domicile en toute sécurité.
Or, le Livre blanc énonce que ce personnel du secteur public interviendrait dorénavant seulement « sur une base d’exception pour des cas particuliers ». Pourquoi réduire la place de ce personnel, alors que c’est lui qui répond le mieux aux besoins des personnes? Pourquoi ne pas consolider et développer une solution qui va bien plutôt que de la remplacer par une formule bancale?
Quant aux ressources privées, nous n’insisterons jamais assez sur le fait que le privé, parce que son objectif premier est le profit, offrira des services en quantité et de qualité moindre, avec du personnel réduit ou moins qualifié, et à un coût plus élevé que le public. Les coûts supplémentaires liés à ce profit, en plus de ne permettre aucune économie au Trésor public, ne se traduiront pas en de meilleurs services aux personnes.
Si le ministre veut que son projet profite à l’ensemble de la société, l’objectif de sa nouvelle politique ne doit pas être de tarifer et de privatiser, mais de desservir efficacement et adéquatement les personnes en toute sécurité.
Jacques Benoit
Coordonnateur de la Coalition Solidarité Santé