En mars 2022, le ministre de la Santé et des Services sociaux Christian Dubé a rendu public le Plan pour mettre en œuvre les changements nécessaires en santé. Il a été suivi en juin du rapport commandé à la sous-ministre Dominique Savoie, afin de « jeter les bases pour exécuter les changements nécessaires identifiés dans le Plan santé ». Le gouvernement a déjà pris de nombreuses décisions indiquant qu’il mettrait ce Plan en œuvre, sans même le soumettre au débat public démocratique. Pour faire part de ses préoccupations quant au déploiement du Plan santé, la Coalition a fait parvenir une demande de rencontre au ministre, pour laquelle elle n’a malheureusement pas reçu de réponse.
Ce Plan santé s’avère une énième réforme visant à transformer les assises fondamentales de notre réseau public. Il ne peut être déployé sans un processus législatif en bonne et due forme. Mis à part des tables d’information avec certains partenaires ciblés – notamment les syndicats, les associations de cadres et de pharmaciens, puis les ressources intermédiaires – le gouvernement procède encore une fois derrière des portes closes, sans consultation publique ni processus parlementaire.
L’écrasante majorité caquiste à l’Assemblée nationale n’affranchit pas le gouvernement des règles démocratiques du Québec. Les changements majeurs que le gouvernement a annoncés, qu’on les nomme refondation ou réforme, doivent faire l’objet d’une réelle consultation citoyenne, entre autres par l’analyse collective d’un projet de loi en commission parlementaire.
Le Plan tel que présenté reste avare de détails opérationnels. Nous refusons de signer au gouvernement un chèque en blanc en l’endossant aveuglément.
Le glissement accéléré du service public vers une gestion d’entreprise privée soulève aussi de nombreuses questions toujours sans réponse, parmi celles-ci :
- Pourquoi vouloir implanter le financement axé sur le patient alors que les effets pervers de ce modèle de financement ont été démontrés dans plusieurs pays, certains l’ayant même abandonné ; où sont les études et les données probantes démontrant la supériorité de ce modèle ?
- Que signifient la modernisation annoncée et le « grand rattrapage » technologique, dans le contexte des informations confidentielles à protéger sur la santé de chaque personne au Québec ?
- Quant aux modifications structurelles visant la décentralisation, quelles seront les conséquences sur l’accès équitable aux soins de santé partout sur le territoire ?
- Comment les groupes communautaires conserveront-ils leur autonomie et leur raison d’être si le gouvernement les considère, comme le Plan l’annonce, comme des « établissements du réseau » ou des sous-traitants ?
Nous le réitérons : on doit tenir un débat de société sur les enjeux touchant la santé et les soins à la population. Refuser de le faire serait dénier la démocratie. Plusieurs mesures, comme la fin de la main-d’œuvre indépendante et la création de Santé Québec, doivent faire l’objet d’un projet de loi. Le gouvernement ne peut pas transformer le système de santé et de services sociaux comme s’il ne s’agissait que d’un dossier administratif.
Depuis plus de 30 ans, la Coalition Solidarité Santé, qui regroupe 24 organismes membres et représente des centaines de milliers de personnes, défend le droit à la santé pour toutes les citoyennes et tous les citoyens du Québec, tout en réclamant le maintien et l’amélioration du système public et universel de santé.
La lettre a été publiée dans Le Devoir du 15 décembre 2022 : [Opinion] Pas de chèque en blanc au gouvernement pour son plan santé ! | Le Devoir