Le 12 juin 2021
La situation traîne depuis beaucoup trop longtemps. Le statu quo condamnera la population québécoise à payer de plus en plus cher. Cette situation est injustifiable. Pour le bien-être des Québécois et des Québécoises, le rapport Hoskins ne doit pas rester lettre morte!
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Catégorie : <span>Analyse, chronique et lettre ouverte</span>
Incitation à la mise en œuvre de la réforme au CEPMB comme prévu en juillet, deux ans après le rapport Hoskins
Monsieur le ministre,
Fondée en 1991, la Coalition Solidarité Santé est un regroupement québécois d’organisations syndicales et communautaires mobilisés pour la défense de notre système de santé public et universel. À la veille de votre rencontre avec les premiers ministres des provinces canadiennes et le gouvernement fédéral à propos du financement en santé, nous aimerions vous enjoindre de saisir toute opportunité de réformer notre régime d’assurance médicaments, inefficace, inéquitable et très coûteux pour l’État et l’ensemble des QuébécoisEs.
Avant et depuis la pandémie, le difficile accès aux médicaments et aux soins nous coûte cher
Au Québec, les dépenses en médicaments par habitant sont parmi les plus élevées au monde. Les coûts des assurances privées explosent, des personnes décident de quitter leur emploi en raison de primes trop élevées, et certains groupes de travailleurs mettent fin à leur régime d’assurance collective. Particulièrement en temps de pandémie, une proportion inquiétante de la population se prive de médicaments, faute de moyens.
Il existe de nombreuses études qui détaillent la problématique du coût et des dépenses en médicaments au Québec, ainsi que l’iniquité dans l’accès aux médicaments dans la province. À titre d’exemples, celles-ci, aux titres évocateurs : Le régime public-privé d’assurance médicaments au Québec : un modèle obsolète? (décembre 2017) et Une ordonnance pour le Canada : l’assurance médicaments pour tous (juin 2019). Ou encore ces publications émanant des milieux communautaires et syndicaux : Assurance médicaments : une pilule amère (L’état du Québec 2016) ou Les médicaments :pièce maîtresse de notre santé (2018). Plus que jamais, la crise sanitaire mondiale actuelle révèle la nécessité d’assurer un accès universel aux vaccins et aux traitements pour lutter efficacement contre la pandémie de la COVID-19, mais également contre les prochaines. La pandémie a mis aussi en évidence l’importance cruciale de bien financer les différents services du système de santé. En ce sens, nous appuyons la demande légitime de votre gouvernement quant à la nécessité d’augmenter le Transfert canadien en matière de santé (TCS).
Devant l’ampleur des défis à relever, il faut agir de façon responsable, en contrôlant davantage les coûts afin de ne pas mettre en péril le financement des autres services essentiels de santé. En ce sens, il ne faut pas négliger non plus l’opportunité que représente la volonté du fédéral de créer un régime national d’assurance médicaments. Comme vous le savez, l’achat de médicaments représente l’une des dépenses les plus importantes de notre système de santé (17,8% des dépenses de santé en 2017, soit la deuxième plus importante catégorie de dépenses après les hôpitaux). En conséquence, obtenir du financement pour réformer notre régime québécois qui en a bien besoin permettra de faire des économies substantielles, pour la population, les employeurs mais aussi le gouvernement – de l’argent qui pourra être investi ailleurs dans le système de santé, alors que les besoins sont grands, nous le savons tous.
Nous vous demandons donc de profiter de la rencontre du 10 décembre pour mener une négociation stratégique, en vue d’augmenter le TCS, évidemment, mais aussi dans l optique de réformer notre régime québécois d’assurance médicaments.
C’est portés par un fort consensus ralliant plus de 500 organisations du Québec, représentant des centaines de milliers de citoyennes et de citoyens, que nous vous interpellons à cet effet.
Veuillez agréer, monsieur le ministre, l’expression de nos sentiments distingués,
Benoit Racette, Coordonnateur de la Coalition Solidarité Santé
c.c. Monsieur Jonathan Valois, directeur de cabinet, Ministère de la Santé et des Services sociaux
c.c. Madame Julie Seide, attachée politique, Ministère de la Santé et des Services sociaux
*Une lettre similaire a été envoyée au Premier Ministre François Legault
Lettre ouverte
Le début du déconfinement au Québec signale, timidement, la lente retombée de la poussière qui fût violemment soulevée par la venue de ce virus dont il n’est même plus nécessaire de rappeler le nom.
Cette poussière, elle s’accumulait depuis trop d’années sur un système de santé dont les fondations, autrefois solides, présentaient des fissures dont la profondeur annonçait depuis longtemps l’extrême vulnérabilité de l’édifice. Le grand tremblement causé par ce virus permet maintenant de voir froidement ce que la crasse accumulée recouvrait. Outre les résidences pour aîné.e.s, nous constatons qu’un autre secteur du réseau de la santé montre d’importants signes de décomposition : les services privés de soutien à domicile.
Avec dépit, nous remarquons que la venue de la crise dans ce secteur engendra chez certain.e.s de nos dirigeant.e.s la consternation, une forme de paralysie ressentie par celui ou celle qui, dépassé.e par les événements, ne sait plus où poser le regard alors que son environnement, qu’il ou elle croyait solide, se désagrège à une vitesse inédite. Devant leurs regards sidérés s’est dressée la figure de celles qui ont maintenu les services offerts par ce secteur depuis trop longtemps ignoré. La force et la détermination de ces préposées étant surhumaines, ils et elles les ont qualifiées d’anges : nos anges gardiens. Ils et elles ont cependant oublié que si les services privés de soutien à domicile possèdent bel et bien des anges, ceux-ci ne sont pas identiques à ceux, invisibles, immatériels et asexués des récits bibliques : les nôtres sont constitués de chair et d’os, ils ont bien souvent des familles et ont un sexe, féminin dans la plupart des cas.
Le gouvernement a le mérite d’avoir, ces dernières semaines et pour la première fois depuis bien des années, reconnu comme telles celles qui œuvrent dans nos CHSLD. Le drame inhumain qui s’y déroule les obligeait, paradoxalement, à reconnaître finalement à ces travailleuses essentielles le statut d’humain. Malheureusement, celles qui œuvrent dans les domiciles des personnes aînées ou en situation de handicap attendent encore aujourd’hui, près de 3 mois après le début de la crise, que le gouvernement les traite comme tel. Non syndiqués, ces anges de chair prodiguent leurs soins moyennant des taux horaires dépassant rarement les 16 $ de l’heure, alors que leurs collègues des résidences engrangent actuellement presque le double pour, essentiellement, le même travail. Si beaucoup ne sont pas originaires du Canada, elles ne sont pas pour autant descendues du ciel : elles sont issues de l’immigration.
Ce fossé séparant les conditions salariales de ces travailleuses de celles offertes aux autres préposés du réseau a des effets extrêmement néfastes. Il met en danger autant les travailleuses, en les plongeant dans la pauvreté, que les personnes en situation de handicap et aînées desquelles elles s’occupent. La médiocrité des salaires offerts est la cause de pénuries de main-d’œuvre chroniques qui engendrent de nombreuses interruptions de services. Celles-ci peuvent avoir des conséquences désastreuses pour la santé, la sécurité et l’autonomie des bénéficiaires.
De la consternation à l’action
Il existe cependant une lumière au bout de ce tunnel : un moyen est actuellement à la disposition du gouvernement pour corriger rapidement la situation. Le 28 avril dernier, le Syndicat québécois des employés et employées de services (SQEES-FTQ) a demandé officiellement au ministère du Travail de décréter une convention collective pour les employées de ce secteur. Si le ministre décidait d’aller de l’avant dans cette voie, il pourrait relever rapidement et significativement les conditions salariales de ces travailleuses. Une telle mesure aurait le potentiel d’atténuer les difficultés que vivent actuellement, et depuis de nombreuses années, les personnes aînées et en situation de handicap. Or, depuis son dépôt, la demande du SQEES-FTQ est malheureusement demeurée lettre morte.
Le ministre Jean Boulet, pour ce dossier, semble toujours plongé dans l’état de torpeur provoqué par l’apparition devant ses yeux de ces êtres dont il ne soupçonnait, jusqu’à tout récemment, ni l’existence ni la force. Nous aimerions lui rappeler que, si exceptionnelles qu’elles soient, elles sont néanmoins, comme nous tous et toutes, constituées de chair et, qu’à ce titre, leurs besoins matériels ne peuvent être ignorés plus longtemps. Nous l’enjoignons alors à baisser le regard et à regarder ses mains, qui ont dès maintenant le pouvoir de réaliser ce qu’elles appellent dans leurs prières.
François Allard, agent de défense des droits chez Ex aequo
Les cosignataires :
- Karine Boivin, directrice générale de Rêvanous
- Julie Champagne, directrice générale d’Autisme Montréal
- Marianne Dupéré, coordonnatrice de Sans Oublier le Sourire (SOS)
- Patrick Fougeyrollas, conseiller scientifique et aux relations publiques du Réseau international sur le Processus de production du handicap (RIPPH)
- Mathieu Francoeur, coordonnateur du Mouvement PHAS (Personnes Handicapées pour l’Accès aux Services)
- Ghislaine Goulet, coordonnatrice du Comité régional pour l’autisme et la déficience intellectuelle (CRADI)
- Manon Godcher et Sylvie Séguin, administratrices du groupe citoyen Chèque emploi-service réinventé
- Esteben Harguindeguy, président, Conseil régional FTQ Laurentides-Lanaudière
- Mathilde Houisse, chargée de projets spéciaux et de l’organisation communautaire pour Parrainage Civique Montréal
- Marc-Edouard Joubert, président du Conseil régional FTQ Montréal Métropolitain
- Harold LeBel, député de Rimouski et porte-parole du Parti Québécois en matière de services sociaux
- Alexandre Leduc, député d’Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de Québec solidaire en matière de travail
- Manon Loranger, présidente du Réseau de coopération des entreprises d’économie sociale en aide à domicile (EÉSAD)
- Luc Martel, président du Conseil régional FTQ Montérégie
- Sylvie Nelson, présidente du Syndicat québécois des employées et employés de service (SQEES-FTQ)
- Jennifer Maccarone, députée de Westmount-Saint-Louis et porte-parole du Parti libéral du Québec en matière de famille, de clientèles vivant avec un handicap ou l’autisme, et de droits de la communauté LGBTQ2
- Anne Plourde, coordonnatrice de la Coalition Solidarité Santé
- Serge Poulin, directeur général du Regroupement des usagers du transport adapté et accessible de l’île de Montréal (RUTA Montréal)
- Delphine Ragon, coordonnatrice de Parents pour la déficience intellectuelle (PARDI)
- Dominique Salgado, directeur général du Comité d’action des personnes vivant des situations de handicap (CAPVISH)
- Laurent Thivierge, secrétaire général de la Fédération des syndicats de l’action collective (FSAC-CSQ)
- Sol Zanetti, député de Jean-Lesage et porte-parole de Québec solidaire en matière de santé et services sociaux
- Walter Zelaya, directeur général de Moelle épinière et motricité Québec (MEMO-Qc)