Le 19 décembre 2011, le ministre des Finances Jim Flaherty a pris les provinces par surprise en annonçant les intentions d’Ottawa concernant les transferts aux provinces pour la santé en vue de remplacer l’entente de 2004 qui vient à échéance en 2014. Celle entente, qui avait été accordée par le gouvernement libéral de Paul Martin, indexe à une hauteur de 6 % par année les sommes versées aux provinces, ce qui correspond environ à 20 % de leur budget dédié à la santé.
Que veut faire Flaherty ?
- Renouveler l’entente actuelle pour seulement trois ans;
- À compter de 2017, plafonner l’indexation au taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) qui tourne actuellement autour de 4 % (une hausse minimale de 3 % est tout de même garantie);
- Changer la formule de répartition des sommes : la part d’Ottawa sera dorénavant égale par habitant pour toutes les provinces sans pondération en fonction des revenus d’impôt qu’elles perçoivent comme c’était le cas auparavant.
Cela fera donc perdre de l’argent aux provinces moins riches. Québec estime cette perte à 200 millions $ par année. L’Alberta pour sa part pourrait ainsi toucher un milliard de plus. Le financement d’Ottawa passe ainsi sous le seuil des 20 % des budgets provinciaux consacrés à la santé.
Le Directeur parlementaire du budget (DPB) a publié une analyse dans laquelle il évalue qu’en procédant à ces changements Ottawa résoudra à terme ses problèmes de déficit structurel en refilant aux provinces des charges qui risquent de faire exploser leur dette.
En effet, le DPB estime que la croissance des transferts pour la santé sera de 6,0 % sur la période 2007 à 2016, à peine moins que la croissance prévue de 6,1 % des dépenses de santé. Ensuite, les transferts progresseront de 3,9 % par an en moyenne sur la période de 2017 à 2024, ce qui serait nettement inférieur aux prévisions de croissance de 5,1 % des dépenses de santé pour la même période.
Comme les coûts de santé continueront à augmenter après 2024 sensiblement au même rythme, si la nouvelle formule continue à s’appliquer, la part du fédéral dans le financement de la santé tombera graduellement de 20,4 % en 2011-2012 à 18,4 % en moyenne sur la période 2011-2035, à 13,8 % pendant les 25 années suivantes, puis à 11,9 % au-delà. Cela ramènera éventuellement le financement fédéral pour la santé au niveau du creux historique du milieu des années 1990, alors qu’au moment de la création du régime Ottawa assumait 50 % de la facture.
Dans son rapport publié en 2002, Roy Romanow, alors président de la Commission royale sur l’avenir des soins de santé au Canada, estimait que pour soutenir la viabilité à long terme des systèmes de santé des provinces, le financement d’Ottawa devait rester stable et à une hauteur de 25 % des budgets provinciaux pour la santé. Pour Roy Romanow, une baisse du financement fédéral ne peut qu’affaiblir le système public et accroître la privatisation.
Les transferts fédéraux étant tributaires du respect, par les provinces, des principes d’universalité, de gratuité et de gestion publique dans la prestation des soins, le gouvernement Harper a également ouvert la porte à un assouplissement de ces principes de la loi canadienne sur la santé. Ainsi, les provinces auront moins à perdre à privatiser certains pans du système.
Ce resserrement du financement de la santé fournira certainement au gouvernement du Québec une raison de plus pour augmenter la contribution santé des individus et pour accroître le recours au secteur privé.
(Réalisé à partir de textes de Pierre Beaulne et Hélène Le Brun, CSQ)
Pour connaître l’évolution et le financement du système de soins de santé au Canada et au Québec.