Avant même que ne débutent les premières consultations régionales de la Commission d’étude sur les services de santé et les services sociaux (la Commission Clair), la Coalition Solidarité Santé, à laquelle appartiennent une trentaine d’organisations syndicales et communautaires, constate que l’opération est mal engagée.
Les raccourcis démocratiques se multiplient, les informations sont incomplètes, des hypothèses que tous savent irrecevables sont soumises au débat. La Coalition Solidarité Santé invite les membres de la Commission Clair à se ressaisir et à reprendre le contrôle de la situation dans les meilleurs délais.
En soumettant au débat des hypothèses qui vont toutes dans le sens de l’affaiblissement du caractère public du système, de la réduction des couvertures et des tarifications et n’en présentant aucune qui irait dans une direction contraire, la commission laisse transpirer un parti-pris évident et semble vouloir mener une opération de ventes de ses hypothèses plus que d’enclencher un débat ouvert et démocratique sur l’avenir du système québécois.
Les raccourcis démocratiques se multiplient
Rappelons que la commission devait débuter ses travaux au printemps dernier. La Coalition Solidarité Santé s’explique mal alors pourquoi le guide d’animation contenant les 16 scénarios sur l’organisation des services et le financement n’a été rendu disponible qu’à la fin du mois dernier, deux semaines à peine avant que ne débutent les premières consultations régionales et un mois avant l’échéance finale pour le dépôt des mémoires.
Dans les régions, des groupes se sont vus refuser l’accès direct à la commission sous prétexte qu’ils étaient représentés par une organisation régionale et ce, dans au moins deux régions.
Dans certaines régions, les groupes entendus ne disposeront, quant à eux, que de 10 minutes pour faire valoir leur point de vue sur l’ensemble des scénarios, soit moins de 38 secondes par scénario !
La population véritablement consultée ?
Manifestement, la commission a marginalisé dans son processus les groupes de citoyens organisés pour soi-disant privilégier les citoyens ordinaires jugés comme étant le “vrai monde”.
Après avoir consulté le sondage sur le site Internet de la commission et visionné la cassette vidéo, force est de constater que l’opération n’a rien de pédagogique contrairement aux prétentions ministérielles. Dans les deux cas, on se limite strictement à répéter les 16 scénarios sans fournir à ce “vrai monde” les éléments de perspectives historiques et les données pertinentes qui permettraient de se documenter avant de répondre.
Ce n’est pas peu dire quand on passe sous silence que le Québec est la province qui investit le moins, par habitant pour les services de santé, que le Québec dépense trois fois moins que l’Ontario dans les soins à domicile. On tait également le fait que le Québec est tenu de se conformer aux cinq grands principes et aux deux interdictions de la Loi canadienne de la santé pour ce qui est des services médicaux et hospitaliers. Dans son document d’évaluation du régime général d’assurance médicaments, le ministère affirmait lui-même que le coût des médicaments augmentait de 15% par année.“ Ce taux est d’autant plus préoccupant qu’il influencera la répartition des ressources financières entre les différents acteurs de la santé ” disait-il. Pourtant, c’est le silence complet sur cette donnée d’une importance majeure tant dans les informations fournies à la population que dans les seize scénarios soumis par la Commission. Force est de constater que les silences et les omissions s’additionnent à un point inquiétant, constate la Coalition.
Des hypothèses a priori irrecevables
Le troisième scénario sur le financement soumis à l’attention de la population par la Commission concerne la contribution des usagers. Or, dans le rapport Bédard, déposé en janvier 2000 et fourni sur le site de la Commission à titre de référence, on peut lire : “Il ne faudrait pas voir ce tarif comme un ticket modérateur mais plutôt comme une source de revenu dont on essayerait de minimiser les effets non-équitables. Ceci étant dit, il ne vaut pas la peine d’en discuter davantage puisque la loi fédérale sur la santé l’interdit….” (p.52).
Pourquoi faire perdre du temps sur des hypothèses irrecevables, alors que la Commission elle-même ne dispose que de très peu de temps pour réaliser les consultations, rédiger et soumettre son rapport ? questionne la Coalition.
La Commission à la croisée des chemins
Pour la Coalition Solidarité Santé, les informations qui précèdent suffisent amplement à jeter une zone d’ombre importante sur l’intégrité du processus en cours. Pour reprendre une expression consacrée par cette commission, deux scénarios sont possibles : soit la réponse attendue par le gouvernement est déjà prédéterminée et la commission ne sert qu’à lui donner une virginité politique, soit les commissaires ont effectivement à cœur de réaliser un processus démocratique axé sur les solutions et alors, ils corrigent le tir dès maintenant. L’avenir nous dira lequel de ces scénarios, la commission aura retenu.
La Coalition se fera entendre
Quoi qu’il en soit, la Coalition poursuivra les actions qu’elle a initiées pour informer la population sur les différents enjeux concernant l’avenir du système québécois de santé et de services sociaux – la campagne cartes postales, la diffusion du Manifeste pour un système public de santé et de services sociaux, la Déclaration d’appui sur les soins à domicile. Des vigiles et des manifestations publiques sont également prévues dans plusieurs régions du Québec.
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