Madame, Monsieur,
Bonjour,
Nous désirons prendre le temps de vous féliciter pour votre récente élection. Les quatre prochaines années seront importantes pour faire avancer plusieurs dossiers dans l’intérêt du Québec. L’un de ceux-ci est sans contredit l’assurance médicaments. Le Canada est le seul pays développé ayant un régime public et universel d’assurance maladie qui n’inclut pas les médicaments d’ordonnance, une situation dont les conséquences sont onéreuses pour tout le monde. Il est temps d’adopter les meilleures pratiques internationales afin d’arrêter de payer nos médicaments 60 % plus cher qu’en Suède et 84 % plus cher qu’en Nouvelle-Zélande (Morgan, 2017).
Et le Québec là-dedans ?
Depuis 1997, les Québécoises et Québécois sont couverts pour leurs achats de médicaments au moyen d’un régime hybride public-privé d’assurance médicaments. Ce régime ne correspond plus aux besoins de la population. Quelques faits parlants :
- Au Québec, nous payons nos médicaments 30 % plus cher que la moyenne des pays de l’OCDE.
- Nos dépenses en médicaments par habitant sont aussi parmi les plus élevées au monde et augmentent de façon incontrôlable. Ainsi, en 2014, les dépenses totales pour les produits pharmaceutiques (médicaments d’ordonnance et en vente libre) étaient de 1 144 $ par personne au Québec. Dans le reste du Canada, la dépense s’élevait à 1 043 $ alors que la médiane pour l’ensemble des pays de l’OCDE était de 719 $.
- Dans les milieux de travail, le coût de l’assurance médicaments est un frein important à l’amélioration des conditions de travail. Les données actuarielles montrent qu’au Québec, de 6 % à 12 % de la masse salariale est accaparée par le coût des assurances collectives. Cette progression, essentiellement attribuable à la couverture des médicaments, est plus rapide que celle de l’inflation et des salaires.
- En raison de la structure hybride public-privé de notre régime, deux personnes qui entrent au Québec dans la même pharmacie avec la même ordonnance vont en ressortir avec deux factures différentes, selon que l’une soit assurée avec le régime public et l’autre avec un régime privé. Contrairement aux objectifs visés par la Loi sur l’assurance-médicaments du Québec, le régime hybride québécois est clairement inéquitable.
Cette situation est des plus préoccupantes. Le premier ministre, M. Legault, et la ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, Mme McCann, se trompent lourdement quand ils affirment que le régime d’assurance médicaments québécois fonctionne bien et n’a pas besoin d’être réformé. Les faits démontrent clairement que le régime hybride qui prévaut au Québec est loin de répondre aux besoins de santé – et budgétaires – de la population. Dans ce contexte, la table doit être mise pour que les réformes améliorent le sort des Québécoises et des Québécois, et non pas seulement celui des citoyennes et citoyens des autres provinces au Canada. Un régime entièrement public et universel diminuerait les coûts tant pour les gouvernements, les travailleuses et les travailleurs que pour les employeurs. Le gouvernement fédéral doit certes viser un partenariat avec les provinces afin de s’assurer du respect des compétences provinciales, mais ce serait une erreur de priver le Québec d’une opportunité de réformer son régime d’assurance médicaments.
Que ce soit au Canada ou au Québec, un large consensus social prévaut : le statu quo n’est pas soutenable. Nous représentons des millions de Québécois et Québécoises qui nous ont demandé, dans nos instances respectives, de travailler à la mise en place d’une assurance médicaments publique et universelle, et ce, depuis des années. Nous travaillons ensemble afin que le Québec se dote enfin d’un régime public et universel d’assurance médicaments. Pour répondre aux besoins de la population, pour diminuer significativement les coûts et pour assurer une meilleure efficience de notre système de
santé, nous estimons que ce régime doit être sous gestion publique, universel, accessible, équitable, viable, indépendant et en respect des compétences provinciales.
En tout respect des champs de compétences, le gouvernement du Canada doit assumer pleinement son rôle en matière de financement. En raison de la hausse insuffisante du Transfert canadien en matière de santé, le gouvernement fédéral se désengage actuellement du domaine de la santé et met en péril la viabilité des systèmes de santé des provinces. D’après le dernier budget québécois, en « 2016-2017, [la contribution fédérale dans les dépenses en santé] se situait à 22,6 %. […] En 2026-2027, celle-ci ne devrait représenter que 19,6 % des dépenses des provinces en santé ». Or, Ottawa a les moyens d’assumer ses responsabilités financières relativement aux médicaments.
Nous vous enjoignons donc, à titre d’élu dans votre circonscription, à considérer ce dossier avec tout le sérieux nécessaire et à défendre la nécessité d’adopter un régime universel et public d’assurance médicaments parce que le statuquo coûte trop cher à tout le monde et parce qu’il en va de l’intérêt des gens qui vous ont élu.
Veuillez agréer l’expression de nos sentiments cordiaux,
Signataires:
- Carolle Dubé, Alliance du personnel professionnel et technique du réseau de la santé et des services sociaux (APTS)
- Luc Vachon, président, Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
- Jacques Létourneau, Confédération des syndicats nationaux (CSN)
- Sonia Éthier, présidente, Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
- Anne Plourde, coordonnatrice, Coalition solidarité santé
- Nancy Bédard, présidente, Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
- Daniel Boyer, président, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
- Odile Boisclair, présidente, Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB)
- François Décary-Gilardeau, président, Union des consommateurs