Montréal. – Aujourd’hui, 1er avril 2015, entre en vigueur le Projet de loi 10 modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé. Pour la Coalition solidarité santé, avec l’application du PL 10, débute la plus grande entreprise de privatisation du système public de santé et de services sociaux québécois.
La Coalition explique que dans le nouveau réseau public, les décisions seront prises très loin des réalités du terrain et des particularités populationnelles. Les membres des nouveaux conseils d’administration des établissements regroupés en immenses CISSS ou CIUSSS seront nommés par le ministre, avec une majorité de membres indépendants. La Coalition solidarité santé voit dans cette gouvernance les intentions non avouées de privatisation du ministre et de son gouvernement.
« Le mémoire de l’Institut sur la gouvernance des organismes privés et publics (IGOPP) a dit que ce système de gestion en était un d’entreprise privée et qu’il faudra former les nouveaux dirigeants en conséquence », rappelle Jacques Benoit, coordonnateur de la Coalition.
La Coalition rappelle également que la Fédération des chambres de commerce (FCCQ) demandait davantage d’entrepreneurs dans les C.A. d’établissement, en soulignant que les entreprises pouvaient profiter des marchés publics pour prendre de l’expansion. Dans ce qui pouvait « faire l’objet d’une sous-traitance concurrentielle, la FCCQ indiquait notamment les fonctions auxiliaires (comme l’entretien ménager ou les services informatiques), les chirurgies d’un jour ou encore l’hébergement et les soins de longue durée pour personnes âgées. »
« Souvenons-nous que c’est Philippe Couillard, quand il était ministre de la Santé et des Services sociaux, qui a fait les premières fusions en 2004. Comme le PL 10, ça devait améliorer l’accès, diminuer la bureaucratie et faire des économies. Dix ans après, rien de tout cela n’a été réglé, mais la sous-traitance et la privatisation ont pris place et se sont implantées solidement dans tout le réseau », relève Jacques Benoit. « Et à partir d’aujourd’hui, le PL 10 va multiplier à plus grande échelle tous ces problèmes! », déplore M. Benoit.
La Coalition retrace, dans un historique, que le premier ministre actuel, Philippe Couillard, avait lui-même plaidé en 2008 pour plus de privé en santé, alors qu’il était partenaire chez PCP, déclarant même qu’« il n’y a rien de scandaleux à ce qu’on fasse des profits dans le secteur de la santé » et que « l’une des réalisations dont il [était] le plus fier en cinq ans passés à la tête du ministère de la Santé, c’est l’entente conclue avec [la clinique privée] Rockland MD ». Pour Jacques Benoit, la sagesse populaire a un dicton qui exprime bien ce que la population devrait craindre : « Si le passé est garant de l’avenir… », dit-il.
Moins de démocratie et moins de services
Des 182 établissements publics existants, le réseau public de santé et de services sociaux du Québec ne compte plus maintenant que 34 établissements. À partir d’aujourd’hui, le ministre de la Santé et des Services sociaux devient le principal décideur de toutes questions tant locales, régionales que nationales, il contrôle presque tout, tant la prestation que le prestataire des soins et services, il nomme ou démet toutes personnes responsables.
« Qu’on travaille dans le réseau public de la santé, ou dans le milieu communautaire qui y collabore, ou qu’on soit citoyenne et citoyen du Québec ayant droit à des soins et services publics de santé, personne n’est épargné », déclare Jacques Benoit. « On nous dit qu’on sabre la bureaucratie, mais dans les faits, on coupe plutôt dans la démocratie. Le ministre s’est vanté d’avoir rencontré, vendredi, l’ensemble des équipes de direction du réseau et qu’il n’y ait pas eu une seule critique. C’est sûr : quand c’est toi qui nomme et démet tout le monde, il n’y en a pas de critique. Est-ce que ça doit nous rassurer? », questionne M. Benoit.
Autre exemple : le PL prévoit que le gouvernement peut, par règlement, prendre toute mesure nécessaire ou utile à l’application de la présente loi ou à sa réalisation, sans obligation de publication ou de délai d’entrée en vigueur. « Et le règlement peut même s’appliquer rétroactivement au 1er avril 2015. C’est ça, la démocratie Barrette!», renchérit M. Benoit.
La Coalition solidarité santé prédit que ces fusions et réorganisations entraîneront une rationalisation à la baisse des soins et services. « Des personnes handicapées nous avisent déjà d’une harmonisation à la baisse de leurs heures de services à domicile, pendant que le CSSS Cœur-de-l’Île annonce le regroupement de certains services dans un seul lieu plutôt que dans plusieurs comme avant », dénonce Jacques Benoit. Selon la Coalition, cette rationalisation entraînera une réduction de l’accessibilité, un recours forcé au privé, organismes sans but lucratif inclus, ou alors augmentera la charge des proches aidant.e.s. « qui sont majoritairement des femmes », rappelle M. Benoit.
À propos de la Coalition solidarité santé
La Coalition solidarité santé regroupe une quarantaine d’organisations syndicales, communautaires et religieuses. Depuis sa fondation en 1991, ses actions ont toujours été motivées par la défense du droit à la santé pour l’ensemble de la population québécoise, et ce, sans égard au statut ou au revenu des citoyennes et citoyens. Elle défend le caractère public, la gratuité, l’accessibilité, l’universalité et l’intégralité des services de santé et des services sociaux.
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SOURCE : Coalition solidarité santé
Renseignements : Jacques Benoit, Coalition solidarité santé. Téléphone : 514-442-0577