Mémoire transmis au Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés
Le nouveau Règlement sur les médicaments brevetés modifié entrera en vigueur le 1er juillet 2020. Pour mettre en œuvre ces changements, le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) propose des lignes directrices pour lesquelles il souhaite entendre l’avis des intervenants et du public.
Le processus d’examen du prix des médicaments brevetés en est un très complexe qui, pour bien saisir tous ses tenants et aboutissants, nécessite une bonne compréhension de nombreuses dispositions législatives et règlementaires et la maitrise de divers concepts économiques et de santé publique. Il s’agit là d’une expertise que bien peu de membres de la société civile détient.
Néanmoins, l’accès aux médicaments essentiels fait partie intégrante du droit à la santé tel que reconnu par l’Organisation mondiale de la santé et, à ce titre, il nous apparait essentiel d’appuyer toute réforme visant à améliorer significativement l’accès à la thérapie médicamenteuse pour toutes et pour tous. Ce mémoire, bien que succinct, s’inscrit dans cette volonté.
Une réforme essentielle
Dans la préface des lignes directrices, nous pouvons lire :
Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB), créé en 1987 en tant que pilier de la protection des consommateurs dans le cadre d’importantes réformes de la Loi sur les brevets (la « Loi »), est un organisme quasi judiciaire doté d’un mandat de réglementation dont l’objectif est de veiller à ce que les titulaires de brevets (ou brevetés) pharmaceutiques ne facturent pas des prix excessifs aux consommateurs pendant la période de monopole de droit. La mise sur pied du CEPMB découle de la crainte qu’une protection accrue des brevets des médicaments puisse entraîner une hausse inacceptable de leur prix et les rendre inabordables pour les consommateurs.
Lignes directrices du CEPMB, 2019
Force est d’admettre que le processus réglementaire de surveillance n’a pas permis jusqu’à maintenant de contrer la hausse exorbitante des prix[1]. Et si rien n’est fait, on ne peut que prédire d’importants reculs en matière d’accès à la thérapie médicamenteuse. Aussi, nous ne pouvons qu’accueillir favorablement tout nouveau processus de fixation et de plafonnement des prix s’appuyant sur les données probantes et les pratiques exemplaires, de même que l’utilisation d’une nouvelle annexe de pays de comparaison (le CEPMB11) visant à établir les nouvelles règles à partir de pays ayant des réalités socioéconomiques similaires.
Nous nous réjouissons du fait qu’à partir de juillet 2020, le CEPMB pourra obliger les manufacturiers à divulguer les coûts réels de fabrication de leurs nouveaux produits mis sur le marché et ordonner au besoin une baisse du prix de vente s’il est considéré comme trop élevé. Pour s’aider dans ce processus, le CEPMB pourra prendre en compte la valeur pharmacoéconomique des produits, la taille du marché ainsi que le PIB.
L’organisme devra aussi se fier au prix de vente au détail dans d’autres pays développés comparables au Canada. La réforme du fédéral vient changer la liste de ces pays servant de référence, si bien qu’on a retiré les États-Unis et la Suisse — qui ont les prix de médicaments les plus élevés au monde — pour les remplacer par l’Australie et le Japon, entre autres.
Selon Santé Canada, la réforme du CEPMB devrait permettre d’économiser près de 13,2 milliards de dollars sur dix ans à l’échelle du Canada. Comme nous payons le prix le plus élevé au monde pour les médicaments, tout juste derrière les États-Unis et la Suisse, il y avait urgence d’agir et nous saluons les efforts du gouvernement fédéral en ce sens. Nous sommes impatients de voir cette réforme prendre effet et nous souhaitons que le processus d’adoption des lignes directrices devant accompagner ce nouveau règlement aille bon train et ne soit pas empêché par les lobbys adverses, très motivés à empêcher son adoption.
Nous représentons des centaines de milliers de personnes pour qui les achats de médicaments représentent une dépense importante et qui sont mobilisées pour que nous arrêtions de les payer significativement plus cher que dans les autres pays de l’OCDE.
La nécessité d’une assurance médicaments publique universelle
Nous le savons, la réglementation des prix de nombreux
médicaments coûteux qui font exploser les coûts des régimes d’assurance
médicaments publics et privés n’est que l’un des moyens visant à contrer la
hausse exorbitante des coûts et à corriger les problèmes d’accès à la thérapie
médicamenteuse et d’équité en matière de santé.
Il est plus que temps que
nos gouvernements se redonnent les capacités institutionnelles d’encadrer
adéquatement les pratiques pharmaceutiques. Plus qu’une politique industrielle
visant à assurer la vitalité d’un secteur économique, c’est d’une véritable
politique publique de santé dont nous avons besoin. En ce sens, l’importante et
nécessaire réforme du CEPMB doit être suivie par l’adoption d’un régime
national public et universel d’assurance médicaments et ce, dans les prochains
mois.
[1] Le Canada se classe au troisième rang des pays de l’OCDE pour ce qui est du prix des médicaments brevetés. En 2017, les médicaments brevetés à coûts élevés (coût annuel moyen excédant 10 000 $), utilisés par seulement 1 % de la population canadienne, représentaient 30 % des ventes, comparativement à 8 % en 2006. Aujourd’hui, certaines thérapies dépassent le million de dollars annuellement.