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Lettre ouverte de la Coalition solidarité santé

À : Monsieur François Legault, Premier ministre du Québec
Madame Danielle McCann, Ministre de la Santé et des Services sociaux
Madame Marguerite Blais, Ministre responsable des Aînés et des Proches aidants
Monsieur Lionel Carmant, Ministre délégué à la Santé et aux Service sociaux

La pandémie de COVID-19 qui frappe actuellement le monde entier nous rappelle toute l’importance d’avoir un système de santé et de services sociaux public, universel et accessible indépendamment de la capacité de payer de chacun.e. À cet égard, le Québec doit se féliciter d’avoir fait le choix collectif de la solidarité : si d’autres batailles restent encore à mener pour assurer un accès véritablement universel aux services (y compris pour les personnes sans statut), les mouvements syndicaux, populaires, féministes et communautaires peuvent être fiers d’avoir contribué à créer le système public québécois. Ce sont aussi eux qui l’ont fidèlement défendu contre tous les assauts qui, depuis sa création, n’ont cessé de se multiplier.

Malgré le travail acharné de ceux – et surtout de celles – qui le portent à bout de bras, ces assauts répétés ont affaibli notre réseau et provoqué des lacunes béantes dans notre capacité collective à répondre aux besoins, lacunes que la crise actuelle révèle cruellement : le sous-investissement chronique, les multiples réformes déstructurantes, les coupes drastiques dans la santé publique, la centralisation bureaucratique, l’élimination des lieux de pouvoir citoyen, la détérioration des conditions de travail, les méthodes de gestion autoritaires (nouvelle gestion publique, Lean), les pénuries de personnel, l’appauvrissement de la première ligne (notamment en services à domicile) et la privatisation grandissante des services ont contribué au désastre humanitaire qui se joue présentement sous nos yeux, en particulier au sein des résidences pour personnes âgées.

Or, ces lacunes ne sont pas des fatalités mais bien le résultat de choix politiques qu’il est possible de renverser pour mieux faire face aux épreuves futures. S’il est important de se préparer à de nouvelles pandémies, le système sociosanitaire doit aussi être en mesure d’affronter les conséquences des bouleversements climatiques qui, selon l’Organisation mondiale de la santé, constituent la plus grande menace à la santé humaine au XXIe siècle. La vague de chaleur récente, qui redouble la souffrance vécue dans les lieux d’hébergement, nous rappelle d’ailleurs que ces conséquences sont déjà bien présentes.

Au sortir de la crise sanitaire actuelle, il sera donc essentiel de faire un bilan des ratés qu’a connus le réseau et d’apporter les correctifs nécessaires, qui ne pourront se limiter à quelques changements superficiels ou isolés. Au cours des prochains mois, il nous faudra imaginer un nouvel horizon pour notre système de santé et de services sociaux. C’est dans cette optique que la Coalition solidarité santé se joint aux organisations signataires de cette lettre pour réclamer la tenue, dès que possible, d’états généraux en santé et services sociaux.

Un des résultats des réformes des dernières décennies a été de faire taire la voix des citoyen.ne.s ainsi que celle des travailleuses et des travailleurs du réseau en les écartant des lieux décisionnels, en abolissant les instances démocratiques où ils et elles siégeaient et en misant sur une gestion centralisée, bureaucratique et autoritaire, déconnectée du terrain. La pandémie a montré à quel point les conséquences de cette avenue peuvent être tragiques. Ces voix, qui n’ont pas été écoutées depuis des années, devront être au cœur du processus de reconstruction du réseau, qu’il est maintenant essentiel d’amorcer. Des états généraux sont une étape incontournable pour que cette reconstruction soit pensée et réalisée démocratiquement, avec la participation active des principales et des principaux concerné.e.s. Nous avons affronté une crise sanitaire majeure avec un réseau qui était lui-même en crise. Si ce drame nous a appris une chose, c’est que l’après-COVID en santé et services sociaux ne doit pas être décidé derrière des portes closes.

Autres organisations signataires :

Organisations nationales :

  • François Allard, Ex Aequo
  • Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN)
  • Serge Séguin, directeur général de l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR)
  • Alex Magdzinski, Association québécoise des infirmières et infirmiers (AQII)
  • Mathieu Francoeur, coordonnateur du Mouvement des personnes handicapées pour l’accès aux services (Mouvement PHAS)
  • Marjolaine Goudreau, présidente du Regroupement Échange Concertation des Intervenantes et des Formatrices en Social (RÉCIFS)
  • Delphine Ragon, coordonnatrice de Parents pour la déficience intellectuelle (PARDI)
  • Andrée Poirier, présidente de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)
  • Marie-Andrée Gauthier, coordonnatrice générale du Réseau des Tables régionales de groupes de femmes du Québec
  • Mercédez Roberge, coordonnatrice de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB)
  • Gaëlle Fedida, L’Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale
  • Judith Rouan, directrice du Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine
  • Sophie Mederi, responsable de projets et des communications au Regroupement Naissances Respectées (Regroupement Naissance Renaissance)
  • Yasmina Chouakri, présidente du Réseau d’action pour l’égalité des femmes immigrées et racisées du Québec
  • Marie-Hélène Senay, coordonnatrice communication et analyse de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes
  • Sylvie Lévesque, directrice générale de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ)
  • Marianne Labrecque, co-coordonnatrice de la Fédération du Québec pour le planning des naissances
  • Jérôme Di Giovanni, directeur général de l’Alliance des communautés culturelles pour l’égalité dans la santé et les services sociaux (ACCÉSSS)
  • Jérôme Di Giovanni, président de l’Alliance des patients pour la santé
  • Valérie Lépine, coordonnatrice du Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec
  • Hugo Valiquette, président de la Coalition des Tables régionales d’organismes communautaires (CTROC)
  • France Latreille, directrice de l’Union des consommateurs
  • Kim Paradis, directrice générale du Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail (CIAFT)
  • Lydya Assayag, directrice du Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF)
  • Marcel Faulkner, responsable du comité de coordination de SOS DI Services Publics
  • Julie Antoine, directrice générale du Réseau des lesbiennes du Québec
  • Diane Messier, présidente de L’R des centres de femmes du Québec
  • Janie Bergeron, coordonnatrice du Regroupement des organismes ESPACE du Québec (ROEQ)
  • Doris Provencher, directrice générale de l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ)
  • Marianne Dupéré, coordonnatrice de Sans oublier le sourire (SOS)
  • Alain Ambeault, directeur général de la Conférence religieuse canadienne
  • François Geoffroy, porte-parole de La Planète s’invite au parlement
  • Alain Tremblay, directeur général de l’Association québécoise de la tourette (AQST)
  • Michel Jetté, cofondateur de Group Mobilisation/Chantiers de la Déclaration citoyenne universelle d’urgence climatique (GMob/C-DUC )
  • Lena Zotova, présidente du conseil exécutif de La Planète s’invite en santé
  • Rose-Mary Thonney, présidente de l’Association québécoise des retraité.e.s des secteurs public et parapublic (AQRP)
  • Simon Labrecque, Adjoint au secrétaire général du Conseil Église et Société de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec
  • Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)
  • Claire Montour, présidente de la Fédération de la santé du Québec (FSQ-CSQ)
  • Jessica Bourque, deuxième vice-présidente du Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)
  • Alain Marois, vice-président à la vie politique de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE)
  • Anik Larose, directrice générale de la Société québécoise de la déficience intellectuelle
  • Nancy Bédard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
  • Ginette Langlois, présidente de la Fédération des professionnèles (FP-CSN)
  • Isabelle Leblanc, présidente de Médecins québécois pour le régime public (MQRP)
  • Caroline Toupin, coordonnatrice du Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA)
  • Mostafa Henaway, Centre des travailleuses et des travailleurs immigrants
  • Caroline Quesnel, présidente de la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ-CSN)
  • Mélanie Perroux, Regroupement des aidants naturels du Québec

Organisations régionales/locales:

  • Dominique Daigneault, présidente du Conseil central du Montréal métropolitain (CCMM-CSN)
  • Hélène Auclair, Action santé Outaouais
  • Nathalie Déziel, directrice du Regroupement des aidantes et aidants naturels de Montréal (RAANM)
  • Ghislaine Larivière, présidente du conseil d’administration de la Table de concertation des aînés et des retraités de la Mauricie
  • Jiri Snitil, directeur général du Groupe des Aidants du Sud-Ouest
  • Aurélie Broussouloux, directrice générale, Réseau Alternatif et Communautaire des Organismes en santé mentale de l’île de Montréal (RACOR en santé mentale)
  • Mathilde Houisse, chargée de projets spéciaux et de l’organisation communautaire à Parrainage Civique Montréal
  • Joanne Blais, directrice de la Table de concertation du mouvement des femmes de la Mauricie (TCMFM)
  • Pascale Dupuis, directrice générale du Centre de santé des femmes de la Mauricie
  • Lucie Mayer, Association T’es où?
  • Denise Buist, coordonnatrice de l’accueil et des cuisines collectives du Centre des femmes de Shawinigan
  • Marie-Eve Suprenant, coordonnatrice de la Table de concertation de Laval en condition féminine
  • Jean Roy, président de l’Association des professeurs réguliers retraités de l’Université du Québec à Trois-Rivières
  • André Bélisle, président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA)
  • Paul Casavant, président de TerraVie
  • Ghislain Goulet, Action Autonomie
  • Brigitte Michaud, coordonnatrice de la Table de concertation des groupes de femmes du Bas Saint-Laurent
  • Hélène Lepage, ESPACE Côte-Nord
  • Gabrielle Neveu, ESPACE Gaspésie-les-îles
  • Marie-Andrée Painchaud, coordonnatrice du Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM)
  • Marc Benoît, coordonnateur du Regroupement des organismes d’éducation populaire autonome de la Mauricie (ROÉPAM)
  • Julien Beaulieu, coordonnateur général de l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées – Pointe-de-l’île (AQDR-PDÎ)
  • Diane Barrette, Les Cuisines collectives de Francheville
  • Lucie Massé, porte-parole d’Action Environnement Basses-Laurentides
  • Karine Verreault, Regroupement des organismes communautaires de la région 03 (ROC 03)
  • Émilie Saint-Pierre, coordonnatrice de la Table régionale des organismes communautaires du Bas-Saint-Laurent (TROC du Bas-Saint-Laurent)
  • François Melançon, coordonnateur de l’Association des groupes d’éducation populaire autonome Centre-du-Québec (AGÉPA Centre-du-Québec)
  • Annie Tanguay, La Collective des femmes de Nicolet et région
  • Yannick Lapierre, directeur général de l’Association des personnes handicapées de l’Érable (APHÉ)
  • Diane Lefort, directrice générale du Centre d’entraide Contact
  • Nathalie Ayotte, directrice de la Table régionale des organismes communautaires du Nord-du-Québec (TROC-10)
  • Patrice Désilets, directeur général de la Maison Halte Soleil
  • Johanne Nasstrom, Table régionale des organismes communautaires de la Montérégie (TROC Montérégie)
  • Marie-Claude Goudreault, Maison des femmes des Bois-Francs
  • Daniel Cayley-Daoust, directeur général de la Table régionale des organismes communautaires autonomes de l’Outaouais (TROCAO)
  • Josée Binette, coordonnatrice de la Maison de jeunes La Traversée 12-18 ans
  • Louise Tardif, coordonnatrice de l’Association coopérative d’économie familiale des Bois-Francs (ACEF Bois-Francs)
  • Nancy Boudrias, présidente de l’Association de solidarité et d’entraide communautaire de la Vallée-de-la-Gatineau (ASEC)
  • Marc Zaffran, Md, écrivain

Analyse, chronique et lettre ouverte Changements climatiques Démocratie Lettres Privatisation Lean Réforme Barrette

Lettre ouverte de la Coalition solidarité santé

Depuis sa création en 1991, la Coalition solidarité santé a défendu sans relâche le système public de santé et de services sociaux du Québec et le droit à la santé pour toutes et tous. Nous tenons aujourd’hui à souligner le travail exceptionnel accompli dans des conditions extrêmement difficiles par les travailleuses et les travailleurs du réseau. Nous souhaitons également rappeler toute l’importance d’avoir un système socio-sanitaire public et universel. Alors que le monde entier est frappé de plein fouet par la pandémie de COVID-19, les Québécoises et les Québécois peuvent compter, grâce aux luttes de celles et ceux qui nous ont précédé.e.s, sur des services de santé et des services sociaux gratuits, accessibles indépendamment de leur capacité de payer.

La catastrophe humaine et sanitaire à laquelle nous sommes confronté.e.s est porteuse de beaucoup de souffrance, d’anxiété et de stress. En plus des vies perdues et des deuils qui frappent plusieurs d’entre nous, de nombreuses personnes vivent une détérioration rapide de leur situation économique. En effet, les mesures de confinement, essentielles pour préserver la capacité du réseau à face à la crise et minimiser le nombre de décès, sont aussi génératrices de difficultés financières importantes, en particulier pour les personnes déjà précarisées.

Dans ce contexte, il aurait été désastreux que notre principal rempart face à la crise soit un système de santé privé dont les buts principaux sont la rentabilité et le profit. Il aurait été ignoble d’ajouter à la détresse causée par la pandémie en faisant porter aux individus le poids insoutenable des frais médicaux associés au diagnostic et au traitement de la COVID-19. Comme le montre l’exemple malheureux de notre voisin du sud, ces frais peuvent atteindre des dizaines de milliers de dollars pour une seule personne!

Le Québec doit donc se féliciter d’avoir fait le choix collectif de la solidarité et de s’être doté au début des années 1970 d’un système public et universel de santé et de services sociaux. Et les mouvements syndicaux, populaires, féministes et communautaires peuvent être fiers d’avoir contribué à le créer et de l’avoir fidèlement défendu contre tous les assauts qui, depuis sa création mais plus encore dans les deux dernières décennies, n’ont cessé de se multiplier.

Faire mieux pour l’avenir : vers une déprivatisation et une démocratisation des services de santé et des services sociaux

Si la crise actuelle nous rappelle plus que jamais l’importance d’avoir un système public de santé et de services sociaux fort, accessible, universel et gratuit, elle révèle aussi cruellement les lacunes béantes qui affaiblissent notre réseau : le sous-investissement chronique, les multiples réformes déstructurantes, les coupes drastiques dans la santé publique, la centralisation bureaucratique, l’élimination des lieux de pouvoir citoyen, la détérioration des conditions de travail, les méthodes de gestion autoritaires (nouvelle gestion publique, Lean), les pénuries de personnel, l’appauvrissement de la première ligne (notamment en services à domicile) et la privatisation grandissante des services ont contribué au désastre humanitaire qui se joue présentement sous nos yeux, en particulier au sein des résidences pour personnes âgées.

Ces lacunes ne sont pas des fatalités mais bien le résultat de choix politiques qu’il est possible de renverser. Il nous faut imaginer un nouvel horizon pour notre système de santé et de services sociaux. Pour y parvenir, il faut commencer dès maintenant à réfléchir aux mesures qu’il sera essentiel de mettre en œuvre au sortir de cette crise sanitaire sans précédent. Nous proposons les mesures suivantes comme contribution à la réflexion collective : 1) un réinvestissement massif immédiat; 2) une déprivatisation complète des services de santé et des services sociaux; 3) un recentrement du réseau sur les services de premières ligne et la prévention (ce qui passe notamment par une revalorisation des services sociaux); 4) une décentralisation et une démocratisation de la gestion des établissements qui permettra de les ancrer dans leur communauté et de redonner aux citoyen.ne.s, aux usagères.ers et aux travailleuses.eurs du réseau un pouvoir sur leurs services et leurs conditions de travail.

La Coalition solidarité santé lance donc aujourd’hui un appel à la (re)construction d’un système socio-sanitaire public à la hauteur des valeurs de solidarité et de justice sociale historiquement portées par les mouvements sociaux du Québec.

Analyse, chronique et lettre ouverte Démocratie Lettres Privatisation Lean Réforme Barrette

Soumis au ministre des Finances du Québec

Deux enjeux centraux guident les recommandations de la Coalition solidarité santé au ministre des Finances dans le cadre des consultations prébudgétaires du gouvernement du Québec : la lutte et l’adaptation aux changements climatiques – qui imposent notamment une redémocratisation du réseau de la santé et des services sociaux ainsi qu’un réinvestissement substantiel dans les soins et services – et l’instauration d’une assurance médicaments entièrement publique et universelle.

Santé et lutte aux changements climatiques

Au moment de la 21e Conférence des parties tenue à Paris en 2015 (COP21), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que « le changement climatique représente la plus grande menace pour la santé dans le monde au XXIe siècle. » L’OMS prévoit qu’entre 2030 et 2050, la crise climatique provoquera 250 000 décès supplémentaires par année. La science prédit des conséquences majeures sur la santé des populations, dont certaines se font déjà sentir, y compris au Québec (multiplication des sécheresses, des inondations, des feux de forêt, des canicules et des événements météorologiques extrêmes, insécurité alimentaire croissante, propagation facilitée de certaines maladies infectieuses, etc.).

Lors de la grande manifestation historique du 27 septembre dernier, des centaines de milliers de Québécoises et de Québécois sont descendus dans les rues pour revendiquer des engagements clairs et des actions vigoureuses de la part du gouvernement en matière de lutte aux changements climatiques.

Considérant que les bouleversements climatiques constituent la plus grande urgence sanitaire à laquelle font actuellement face le Québec et l’humanité, nous recommandons :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Québec élabore un plan de lutte contre les changements climatiques et prévoit dans son budget 2020-2021 des investissements conséquents permettant au minimum d’atteindre les cibles de réduction de gaz à effet de serre recommandées par le plus récent rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC), à savoir 45 % dès 2030 par rapport aux émissions de 1990; que ce plan soit élaboré dans une perspective de justice sociale, évitant de faire porter le fardeau économique de la transition aux plus démuni.e.s et prévoyant des mesures de soutien et de reconversion pour les travailleuses et les travailleurs dont les secteurs d’emploi seront affectés par la transition.

Par ailleurs, les gouvernements ayant trop tardé à mettre en œuvre les mesures nécessaires pour prévenir les conséquences des bouleversements climatiques, certains impacts sociosanitaires de cette crise sont désormais inévitables. Dans ce contexte, le réseau de la santé et des services sociaux est appelé à jouer un rôle névralgique dans l’adaptation et la résilience des communautés face à ces conséquences. Le gouvernement du Québec doit donc prévoir dès maintenant des mesures vigoureuses pour donner au réseau la capacité de répondre aux besoins sociosanitaires croissants qui seront (et qui sont déjà en partie) causés par la crise climatique. Deux recommandations principales découlent de ces considérations.

Premièrement, afin que le réseau soit davantage perméable à ces besoins et qu’il soit en mesure de s’y adapter efficacement et rapidement, notamment grâce à la mobilisation citoyenne, nous recommandons :

Recommandation 2

Que le gouvernement du Québec mette en place des mesures afin de : 1) (re)démocratiser les établissements de santé et de services sociaux à l’échelle de toute la province en impliquant les communautés, les usagères et les usagers et le personnel des différentes installations des établissements (CISSS et CIUSSS) dans la gestion des soins et des services; 2) rapprocher les lieux de décision des lieux d’action et de prestation des services et des soins en décentralisant le pouvoir au sein du réseau, notamment en recréant des conseils d’administration locaux.

Deuxièmement, afin que les réseaux public et communautaire en santé et services sociaux possèdent les ressources humaines et financières nécessaires pour répondre aux besoins sociosanitaires qui découleront des bouleversements climatiques, nous recommandons :

Recommandation 3

Que le gouvernement du Québec prévoit dans son budget 2020-2021 un réinvestissement substantiel dans les services publics de santé et des services sociaux ainsi qu’un rehaussement du financement de la mission globale des organisme communautaires autonomes ; que ce réinvestissement permette en particulier un renforcement des soins et services multidisciplinaires de première ligne et une amélioration des conditions de travail des travailleuses et des travailleurs du secteur de la santé et des services sociaux, seule avenue susceptible de contrer la pénurie de personnel dans ce domaine.

Dans cette optique, la Coalition solidarité santé souhaite d’ailleurs exprimer son appui de principe aux revendications des travailleuses et des travailleurs du réseau qui sont présentement en négociation pour le renouvellement de leurs conventions collectives.

Assurance médicaments : ne rien faire n’est pas une option pour le Québec !

Depuis plusieurs années, des acteurs et des experts de plus en plus nombreux se sont positionnés en faveur d’un régime public et universel d’assurance médicaments. De plus, il existe un fort consensus social et scientifique québécois pour l’instauration d’une assurance médicaments 100% publique. Malgré cela, le gouvernement du Québec répète qu’il refusera de participer à un éventuel régime national d’assurance médicaments public et universel, sous prétexte que le Québec a déjà son propre régime.

Or, le Québec ne peut se permettre de faire bande à part dans ce dossier. Notre modèle québécois d’assurance médicaments (privé-public) pose de graves problèmes, tant sur le plan social que sur le plan financier. Dans ce contexte, ne rien faire n’est pas une option! Ne rien faire, c’est accepter :

  • que près d’une Québécoise et un Québécois sur dix n’ait pas les moyens de se procurer ses médicaments d’ordonnance;
  • qu’au Québec, des personnes doivent choisir entre manger ou acheter leurs médicaments;
  • que le Québec paie les prix les plus élevés du monde pour ses médicaments, tout juste derrière les États-Unis et la Suisse;
  • que le Québec continue de dépenser plus que les autres provinces pour ses médicaments (1 144 $ par habitant au Québec contre 1 043 $ pour le reste du Canada et 713 $ pour la médiane des pays de l’OCDE);
  • que le prix des médicaments continue d’augmenter de façon incontrôlable (dépenses de 2,6 milliards en 1985 à 33,7 milliards en 2018 au Canada), plombant les finances publiques et les régimes d’assurances collectives (la population du Québec paie près de 9 milliards annuellement pour ses médicaments prescrits, et la croissance des coûts est insoutenable);
  • que dans les milieux de travail, le coût des assurances collectives privées  qui ne cesse d’augmenter (6 à 12 % de la masse salariale au Québec) soit devenu un frein important à l’amélioration des conditions de travail;
  • que les Québécoises et les Québécois continuent de recevoir des factures différentes pour une même ordonnance selon qu’ils soient assurés au public ou au privé, ce qui pose des problèmes d’équité évidents.

Afin de mettre fin aux problèmes graves d’équité et d’accès aux médicaments générés par le modèle québécois public-privé d’assurance médicaments ainsi que pour permettre un meilleur contrôle des coûts, nous recommandons :

Recommandation 4

Que le gouvernement du Québec s’engage dès maintenant dans une réforme du régime hybride d’assurance médicaments afin de mettre en place un régime entièrement public et universel et qu’il se positionne en appui aux initiatives en ce sens.

Assurance médicaments Changements climatiques Démocratie Mémoires

Reprendre le contrôle de notre système de santé et de services sociaux!

Austérité, centralisation, privatisation, « new management » ne sont pas des mots apolitiques. En santé, on a assisté à la disparition de trop nombreuses instances de représentation, à la perte d’espaces d’échange, de vigilance et de surveillance, en plus de voir s’éloigner les lieux décisionnels, qui sont désormais hors de portée des communautés et des travailleuses et des travailleurs oeuvrant dans le réseau.

La démesure des nouvelles structures a un impact important sur la capacité des syndicats à rejoindre et à réunir leurs membres et pourrait affecter leur rôle pourtant essentiel de grands rassembleurs et de grands mobilisateurs. Les comités d’usagers, quant à eux, ont subi d’énormes pressions pour se dépolitiser et réduire l’étendue de leurs actions. Des nominations aux intérêts discutables se sont multipliées dans des conseils d’administration qui opèrent à des échelles de plus en plus étendues. Les personnes les mieux placées pour représenter la diversité de la population québécoise se sont fait montrer la porte des lieux de concertation et de décision. La voix des équipes professionnelles est tue par la présence d’une gestion de plus en plus lourde, contraignante et menaçante. Les informations et les données pertinentes sont dissimulées, orientées ou carrément inexistantes. Les groupes communautaires épongent les ratés du système sans avoir droit de cité.

En somme, on a un réseau public qui n’a plus de comptes à rendre à personne. Dans ce contexte, il est plus facile que jamais pour les décideurs politiques et les gestionnaires d’imposer de nouvelles méthodes de travail déshumanisantes (ex : Lean) et d’aller de l’avant avec des coupures de services et une ouverture grandissante au privé. Pendant ce temps, les personnes ayant recours aux services de santé ou aux services sociaux et les travailleuses et les travailleurs du réseau sont soumis à des formes sans précédents et de plus en plus nombreuses de reddition de comptes.

L’absence de démocratie, c’est… l’autoritarisme.

L’Assemblée générale annuelle de la Coalition solidarité santé a donc pris la décision de mettre sur pied un comité démocratie pour agir sur cette problématique et réintégrer de réels leviers de pouvoir pour les communautés et les travailleuses et les travailleurs dans cette méga structure qu’est devenue le système de santé et de services sociaux. Le diable est dans les détails et il est impensable d’agir sur toutes les problématiques vécues dans le réseau en passant constamment et uniquement par le ministère ou par une direction qui ne fait plus la distinction entre le chiffre et le vrai.

Les solutions abondent! Exiger des conseils d’administration publics dans tous les GMF? Revendiquer que dans chaque conseil d’administration du réseau un certain nombre de sièges soit réservé aux personnes représentant la diversité? Demander une redéfinition du rôle des comités d’usagers? Refuser que les compétences des soignantes et des soignants soient remises en question par des outils de gestion? Créer nous-même de nouveaux espaces d’échanges et d’actions? Vous avez probablement vous-même d’autres solutions en tête. On vous invite donc à reprendre le contrôle du système avec nous et à joindre le comité démocratie!

Contact: cssante@gmail.com

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Proposition soumise au débat collectif électoral.

Ce document est le fruit de trois années de consultations, de prises de position publiques, d’organisation et de participation à des événements collectifs axées sur la réforme de la santé. Notre engagement s’est imposé en réaction aux inquiétudes et aux constats négatifs que cette réforme a suscités dans tous les milieux concernés. Nous tenons à remercier les acteurs du réseau de la santé et des services sociaux, rencontrés au cours des derniers mois, pour la confiance qu’ils nous ont témoignée. Tout en assumant entièrement la responsabilité du contenu du document, nous croyons qu’il reflète bien leur analyse et permet de partager les pistes de solutions qu’ils nous ont suggérées.

 

 

Auteur.es.:

Maria De Koninck, professeure émérite et associée, Département de médecine sociale et préventive, Université Laval 

Marc-André Maranda, directeur du programme de santé publique au Ministère de la santé et des services sociaux de 2003 à 2009

Pierre Joubert, directeur de la recherche et de l’évaluation au MSSS de 1997 à 2001 et directeur de la recherche, de la formation et du développement à l’INSPQ de 2003 à 2010.

 

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