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Du 23 octobre au 19 novembre 2013, la Commission parlementaire de la santé et des services sociaux reçoit les mémoires sur le Livre blanc de l’assurance autonomie et entend leurs auteurs.

La Coalition solidarité santé a réagi publiquement à plusieurs reprises depuis le dépôt du Livre blanc. Elle participera aussi à la commission comme plusieurs de ses membres qui y défilent pendant toute sa durée.

D’autres organismes alliés de la Coalition vont aussi s’y exprimer.

Nous mettons en ligne ci-dessous leurs mémoires.

Pour visionner leurs participations à la commission: CSNMQRPFIQ  AQRP  FCABQ FADOQAQRIPH — RANQ 

Assurance autonomie Commissions parlementaires Documents

Madame la présidente, Monsieur le ministre, Mesdames, Messieurs les député-e-s,

La Coalition Solidarité Santé regroupe une quarantaine d’organisations syndicales, communautaires, féministes et religieuses. Depuis sa fondation en 1991, elle défend le droit à la santé pour l’ensemble de la population québécoise, sans égard au statut ou au revenu des citoyennes et des citoyens.

Solidarité Santé défend les grands principes qui ont conduit à la mise sur pied du système public de services sociaux et de santé, soit le caractère public, la gratuité, l’accessibilité, l’universalité et l’intégralité, sans frais modérateurs ou tarification, ni surfacturation, des principes qu’on retrouve dans la Loi canadienne de la santé et dans le Pacte relatif aux droits sociaux, économiques et culturels, signé par le Québec, en 1976.

La Coalition solidarité santé salue aujourd’hui la volonté ministérielle de rehausser et d’améliorer la réponse aux besoins de services à domicile de la population, particulièrement auprès des personnes en perte d’autonomie pour leur maintien dans leur communauté.

Mais cette volonté, selon nous, doit se traduire en respectant les objectifs de notre système de services sociaux et de santé, c’est-à-dire par une augmentation, une intégration et une continuité des services déjà offerts, et que ceux-ci soient financés par des impôts. Le ministre ne doit pas utiliser et promouvoir des services privés, furent-ils d’économie sociale,  et financés par une nouvelle caisse santé.

Nous aimerions rappeler à la commission que le projet qui nous est présenté est la troisième grande réforme de notre système public en moins de 20 ans:

La première, le virage ambulatoire, comportait un volet soins et services à domicile; lors de ce virage, comme Coalition, nous avons mis en garde sur les ressources nécessaires, et le fait qu’il fallait absolument qu’elles suivent les patients et patientes, on a dénoncé les risques et les dangers liés à des ressources qui ne suivraient pas …  Mais on nous a assuré qu’il n’y avait aucun danger, que ça allait se faire. Et pourtant, les ressources requises n’ont pas toutes suivi, le problème est encore là et n’est toujours pas réglé;

La deuxième : la fusion des CLSC, CHSLD et CH pour en faire de gros CSSS; cette fusion allait régler les problèmes de continuité des services jusque dans les domiciles : là encore, nous avons dénoncé les risques et dangers des fusions, dont l’hospitalo-centrisme qui risquait de transformer l’hosto en première ligne, avec des urgences qui déborderaient, avec la fonction hospitalière qui boufferait tous les budgets au détriment des services de prévention qui seraient réduits comme peau de chagrin, des listes d’attente qui ne feraient qu’augmenter, etc. Mais on nous a assurés qu’il n’y avait aucun danger, que ça n’arriverait pas, au contraire. Dix ans plus tard, on est en plein dans les problèmes que nous avions prédits.

Alors, quand on soulève et qu’on souligne à grands traits les risques et dangers de la réforme qui nous est proposée, nous croyons que notre moyenne au bâton de 2 en 2 devrait suffire pour qu’on soit pris au sérieux!

Et c’est parce que nous nous souvenons de l’histoire que nous recommandons d’entrée de jeu au Ministre qu’avant de s’embarquer dans une nouvelle réforme, qu’il procède par ordre et assure d’abord une meilleure réponse aux citoyennes et aux citoyens qui sont actuellement en attente de services, et une meilleure intégration de ces services.  

Nous recommandons que cette réponse soit le début d’un état des lieux permettant, d’une part, de tracer un portrait des besoins des citoyennes et des citoyens, et, d’autre part, d’amener les CSSS à procéder à une « évaluation obligatoire » et sérieuse des problèmes actuels au sein du réseau de la santé et des services sociaux : la santé de son personnel, les ressources disponibles, la coordination des services et la surveillance actuelle de leur qualité.

Le Ministre nous semble pressé de « reconnaître » un nouveau droit à des services. Avons-nous besoin de lui faire remarquer qu’en l’absence des ressources publiques nécessaires pour y répondre, la « construction » dans l’opinion publique de ce nouveau droit n’aura pour effet que de justifier l’arrivée, l’existence et l’utilisation de services privés? Nous espérons qu’il ne s’agit pas de l’objectif non-avoué du Ministre.

Le livre blanc fait grand cas de ce que ça va nous coûter si nous ne faisons rien.

Nous voulons rappeler au ministre que bien d’autres éléments sont des sources plus importantes de coûts et que ni son gouvernement, pas plus que le précédent, n’y ont fait quoi que ce soit. Le ministre lui-même témoignait de l’existence de ces éléments problématiques en 2006 en commission parlementaire : les médicaments, les nouvelles technologies, l’utilisation de l’hôpital comme  première ligne, et la sous-traitance et l’utilisation des services et de la main d’œuvre privée. À cela, nous ajoutons aujourd’hui la rémunération et le mode de rémunération des médecins.

De plus, en vue de réellement diminuer les coûts des services de santé, nous recommandons que le gouvernement :

renforce les activités de prévention et les services sociaux, dans le réseau public de santé;

qu’il prenne en considération les impacts de l’ensemble de ses décisions et de ses agissements sur les conditions de vie des personnes, qui sont les déterminants des conditions de santé;

et qu’il étudie toutes les avenues possibles pour réduire la médicalisation des services de santé et le recours aux services d’urgence des hôpitaux comme porte d’entrée du réseau.

L’objectif qui doit guider cette réforme ce n’est pas le maintien « à domicile » mais le maintien dans le milieu de vie et le soutien et l’amélioration de la capacité physique, psychique et sociale des personnes d’agir dans leur milieu et d’accomplir les rôles qu’elles entendent assumer d’une manière acceptable pour elles-mêmes et pour les groupes dont elles font partie, quels que soient leur âge et leurs limitations fonctionnelles (physiques, mentales, etc.), bref, l’article 1 de la loi de la Santé et des services sociaux.

Nous disons aussi que la sécurité physique et psychologique des personnes doit être une valeur traversant toutes les composantes de l’assurance autonomie, tant pour celles qui reçoivent les soins et services que pour celles qui les donnent et celles qui les aident.

C’est pourquoi nous disons qu’il faut que les bonnes personnes soient au bon endroit. Cela signifie qu’il faut retourner au consensus de 1996, à savoir que le soutien aux Activités de la vie quotidienne (AVQ), les soins à la personne, soit de la responsabilité des services publics et réservé au personnel formé et qualifié des équipes d’intervention multi, pluri ou interdisciplinaire des CSSS: les auxiliaires familiales et sociales (ASSS), les infirmières auxiliaires ou les préposé-e-s aux bénéficiaires.

Le Livre blanc s’égare en séparant les personnes selon leur âge, et en associant « perte d’autonomie » à « personnes âgées ». On peut avoir une limitation fonctionnelle à tout âge. L’admissibilité devrait être fonction des besoins, et non de l’âge, en tenant compte des besoins particuliers. Cela favoriserait une meilleure intégration des soins et services. Nous considérons que personne ne devrait payer ni pour ses limitations, ni pour sa perte d’autonomie. Il faut assurer les services à tous ceux et celles qui en auront besoin, quels que soient leur âge, leur type de limitation ou leur revenu.  

Parce que quoi qu’on en dise, les services à domicile font partie du réseau public de services sociaux et de santé. Le fait de changer le lieu de la prestation ne change pas la nature ni l’objet de la prestation. Pour cette raison, les services à domicile doivent profiter de la même couverture que ceux prodigués dans les institutions du réseau.  Tous les services déterminés par les besoins doivent être gratuits à l’usage pour toutes et tous. 

Enfin, sur la question du financement, outre ce que nous avons mentionné au début sur le contrôle des coûts, qui pourraient dégager selon certaines estimations entre 500 millions $ et 1 milliard $, le financement des services de soutien à l’autonomie doit se faire de la même façon que pour les autres services publics sociaux et de santé, à savoir par des impôts progressifs appliqués au revenu des individu-e-s et des entreprises, et pas par des tarifications, contributions ou taxes-dédiées comme une taxe-santé, modulée ou non. Le principe de l’utilisateur-payeur qu’a voulu imposer l’ancien gouvernement est totalement contraire à l’équité et à la justice sociale, et doit être banni.

Enfin, nous mettons en garde le Ministre d’agir trop rapidement avec sa politique. Pour nous, là comme dans d’autre chose, il vaut mieux prévenir que guérir : ça fait moins mal, et ça coûte moins cher. 

Nous aimons nous rappeler cette phrase souvent répétée dans le mouvement communautaire : « C’est parce qu’il y a urgence qu’il faut prendre le temps de bien faire les choses! » 

Il faut prendre le temps de bien faire, parce que ce n’est pas un jeu : on n’aura pas le loisir de refaire.

C’est pourquoi, lors du dépôt du projet de loi suivant le Livre blanc, nous demandons que le Ministre tienne de nouveau une consultation large de tous les intervenantes et intervenants concerné-e-s et intéressé-e-s à apporter leur contribution. 

Nous disons au Ministre que pour que son projet profite à l’ensemble de la société, l’objectif de sa nouvelle politique ne doit pas être de tarifer, d’économiser et de privatiser, mais de desservir efficacement et adéquatement les personnes, en toute sécurité, avec les ressources appropriées.

Merci.

Assurance autonomie Commissions parlementaires Documents

Québec – La Coalition Solidarité Santé présente aujourd’hui son mémoire sur le Livre blanc sur l’assurance autonomie en commission parlementaire. La Coalition profite de cette occasion pour dresser le bilan des consultations et exiger du ministre qu’il prenne acte du large consensus des organisations qui s’inquiètent de l’ouverture à la privatisation qu’entraînera l’assurance autonomie.

Étant l’une des dernières organisations à passer en commission parlementaire, la Coalition peut ainsi dresser un portrait des préoccupations des différentes organisations qui ont eu l’occasion de s’exprimer sur le Livre blanc. « Un large consensus rassemble la majorité des groupes syndicaux et communautaires sur les dangers que contient le Livre blanc. Il ressort une opposition claire à l’idée d’une plus grande prestation privée des services à domicile. Nous nous inquiétons aussi des effets de la tarification de ces services et nous voulons que les services à domicile soient financés par le biais de l’outil le plus équitable qui soit, les impôts », explique Jacques Benoit, coordonnateur de la Coalition Solidarité Santé.

Les uns après les autres, les membres de la Coalition Solidarité Santé sont venus expliquer que la meilleure façon de rendre les services à domicile est de compter sur les services publics. « La Coalition se fait le porteur de ce message et demande au ministre de prendre acte du large appui que les recommandations que nous portons reçoivent. Il va de soi qu’il faut développer les services à domicile, mais pas à n’importe quel prix et surtout pas au prix d’une privatisation accrue! », poursuit Jacques Benoit.

« Nous espérons que le projet de loi que le gouvernement présentera inclura les recommandations qui ressortent du large consensus des organisations que nous représentons. Nous souhaitons de plus qu’une consultation publique ait lieu sur le projet de loi, afin que les groupes puissent se faire entendre sur des éléments qui sont actuellement manquants dans le Livre blanc, notamment tout ce qui touche au financement de la caisse autonomie. En somme, le Québec doit prendre le tournant des soins à domicile, mais doit le faire en prenant acte de l’échec de la privatisation en santé, et non pas en l’accentuant », de conclure Jacques Benoit.

À propos de la Coalition Solidarité Santé

La Coalition Solidarité Santé regroupe une quarantaine d’organisations syndicales, communautaires et religieuses. Depuis sa fondation en 1991, ses actions ont toujours été motivées par la défense du droit à la santé pour l’ensemble de la population québécoise, et ce, sans égard au statut ou au revenu des citoyennes et des citoyens. Elle défend le caractère public, la gratuité, l’accessibilité, l’universalité et l’intégralité des services de santé et des services sociaux.

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Source : Coalition Solidarité Santé

Renseignements

Hubert Forcier

Coalition Solidarité Santé

Cell : 514-209-3311

Assurance autonomie Communiqués

Les consultations qui s’achèvent sur le Livre blanc sur l’assurance autonomie ont permis de rendre compte du large consensus qui unit plusieurs acteurs du réseau de la santé. Nos membres (groupes d’usagères et d’usagers, travailleuses et travailleurs du réseau, organismes communautaires en santé et services sociaux) ont tous salué la volonté ministérielle d’investir dans les services à domicile. Mais ils ont également mis en garde le ministre sur les dérives de son projet.

En effet, plutôt que de profiter de ce tournant nécessaire vers le développement des services à domicile pour consolider nos services publics, le gouvernement veut plutôt miser sur la privatisation, avec tout ce que cela implique comme risques sur la qualité et la sécurité des services.

Si le ministre veut vraiment que son projet profite à l’ensemble de la société, il doit se traduire dans le respect des objectifs de notre système public de services sociaux et de santé. Et cela implique une augmentation, une intégration et une continuité de services, financés par les impôts.

Une couverture large et publique

Le Livre blanc s’égare séparant les personnes selon leur âge, et en associant « perte d’autonomie » à « personnes âgées ». On peut avoir une limitation fonctionnelle à tout âge. L’admissibilité devrait être fonction des besoins, et non de l’âge, en tenant compte des besoins particuliers. Cela favoriserait une meilleure intégration des soins et services.

Ajoutons que personne ne devrait payer ni pour ses limitations, ni pour sa perte d’autonomie. Il faut assurer les services à tous ceux et celles qui en auront besoin, quels que soient leur âge, leur type de limitation ou leur revenu.

Quoi qu’on en dise, les services à domicile font partie du réseau public de services sociaux et de santé. Le fait de changer le lieu de la prestation ne change pas la nature ni l’objet de la prestation. Pour cette raison, les services à domicile doivent profiter de la même couverture que ceux prodigués dans les institutions du réseau.  Tous les services déterminés par les besoins doivent être gratuits à l’usage pour tous et toutes.

Qualité et sécurité

Le Livre blanc parle d’organiser et de donner les services à domicile à des catégories très différentes de personnes, dans des milliers de lieux différents nécessitant une coordination de multiples soins et services qui seraient rendus par des intervenant-e-s d’organisations différentes, parfois rémunéré-e-s, parfois bénévoles. Dans ce contexte, il y a un danger évident à la multiplication des sous-traitants et au morcellement des services que met de l’avant le Livre blanc. Cela ne favorise, ni ne facilite la continuité des services, encore moins le contrôle de leur qualité, et met en danger la sécurité des personnes.

Pensons qu’une personne ayant des limitations ou en perte d’autonomie a encore plus besoin de se sentir en sécurité, particulièrement si elle demeure dans son milieu de vie. Pour se sentir en sécurité, elle doit avoir confiance en qui lui prodigue soins et services : des personnes qualifiées pour accomplir leur travail de soutien. De plus, une relation de confiance et un sentiment de sécurité se créeront plus facilement si les personnes qui apportent le soutien sont les mêmes chaque jour : la stabilité du personnel facilite la communication, favorise le développement de la confiance et du sentiment de sécurité.

Le personnel des CSSS, qui travaille en équipe multi ou interdisciplinaire, assure à la fois cette qualité et cette continuité de services favorisant le maintien à domicile en toute sécurité.

Or, le Livre blanc énonce que ce personnel du secteur public interviendrait dorénavant seulement « sur une base d’exception pour des cas particuliers ». Pourquoi réduire la place de ce personnel, alors que c’est lui qui répond le mieux aux besoins des personnes? Pourquoi ne pas consolider et développer une solution qui va bien plutôt que de la remplacer par une formule bancale?

Quant aux ressources privées, nous n’insisterons jamais assez sur le fait que le privé, parce que son objectif premier est le profit, offrira des services en quantité et de qualité moindre, avec du personnel réduit ou moins qualifié, et à un coût plus élevé que le public. Les coûts supplémentaires liés à ce profit, en plus de ne permettre aucune économie au Trésor public, ne se traduiront pas en de meilleurs services aux personnes.

Si le ministre veut que son projet profite à l’ensemble de la société, l’objectif de sa nouvelle politique ne doit pas être de tarifer et de privatiser, mais de desservir efficacement et adéquatement les personnes en toute sécurité.

Jacques Benoit

Coordonnateur de la Coalition Solidarité Santé

Analyse, chronique et lettre ouverte Assurance autonomie

Des citoyennes et des citoyens dont les services sont lourdement rationnés et des proches aidants dont on a hypothéqué la vie sociale et économique pour pallier l’insuffisance de services  joignent leur voix à la Coalition Solidarité Santé pour réclamer des investissements massifs dans les services à domicile publics à la faveur du prochain budget provincial. Ceux et celles qui sont directement touchés par la rareté des services désirent ainsi faire connaître haut et fort leur insatisfaction quant aux réalisations et aux intentions gouvernementales dans ce dossier.

Rappelons que le 20 janvier dernier, les chefs syndicaux et la Coalition Solidarité Santé réclamaient à l’unisson des investissements de 300 millions d’argent frais dans les services publics à domicile et ce, dès le premier avril prochain. La réponse gouvernementale fut en deçà de toutes les attentes,  précise Marie Pelchat, porte-parole de la Coalition Solidarité Santé. Il est indécent que le gouvernement annonce qu’on «pourrait en venir à cela sur un certain nombre d’années» alors que la situation des personnes concernées et de leurs proches se précarise sans cesse, se précarise à un point tel que le Vérificateur général du Québec a cru nécessaire de dénoncer vertement la situation en décembre dernier. Les membres du Comité de priorités du gouvernement  seraient-ils les seuls à ne pas se rendre compte de l’urgence, questionnent les porte-parole présentes aujourd’hui.
 
Jeannette, atteinte d’arthrite rhumatoïde et d’arthrose sévères

Jeannette, 69 ans, est veuve et vit seule dans un 2 1/2 dans le nord de Montréal. Elle   reçoit des services à domicile depuis 17 ans. Elle est atteinte d’arthrite rhumatoïde et d’arthrose sévères, ce qui l’empêche de faire des gestes aussi quotidiens que faire l’épicerie, cuisiner, faire son lit, sa lessive, ouvrir un pot, descendre une assiette de l’armoire, s’essuyer après avoir pris une douche, se mettre de la crème, mettre ses bas ou son manteau. Comme elle se déplace difficilement, elle utilise une canne. Ces limites ne l’empêchent toutefois pas d’avoir encore une vie sociale, de recevoir des amis pour une partie de carte ou de recevoir son fils à l’occasion. Elle est chez elle et souhaite y demeurer.

Pour se faciliter la vie, elle a fait installer, avec l’aide de son CLSC,  un ouvre-porte automatique et  tous les tapis qui pouvaient provoquer des chutes ont été retirés de l’appartement. Des téléphones supplémentaires au sol ont été installés à 4 endroits dans son petit logement pour s’assurer qu’ils seront accessibles si elle devait faire une chute.

En 1994, elle avait droit à une heure de services tous les jours et à deux blocs de trois heures par semaine pour un total de 13 heures par semaine. Depuis, elle a dû subir 8 opérations importantes aux genoux, à une hanche, aux deux épaules et aux coudes.

Elle était alors en meilleure santé,  mais celle-ci s’est détériorée depuis. Malgré cela, elle reçoit actuellement moins de services qu’en 1994. En 2002, elle a toujours droit à une période  chaque matin pour l’aider à s’habiller, mettre sur le comptoir les choses dont elle aura besoin dans la journée et sortir des aliments du congélateur. On lui accorde quatre heures supplémentaires de services, réparties sur deux journées, pour laver son lit, lui préparer de la nourriture, faire l’épicerie, la lessive pour un total de 9 heures par semaine. Ce qui se faisait en 6 heures avant,  se fait maintenant en 4. «Quand elle fait mon lit, moi je rentre dans la douche, qu’elle a fini mon lit, elle m’essuie, me crème, m’habille, sort ce dont j’aurai besoin dans la journée et elle repart à la course».

Il y a trois semaines, elle s’est fait dire qu’elle était «chanceuse» d’être malade depuis longtemps, d’être entrée dans le système avant les compressions budgétaires. Si elle faisait une nouvelle demande aujourd’hui avec une condition de santé comparable, elle ne recevrait pas la moitié des services qu’elle reçoit aujourd’hui et ce, à condition de ne pas être inscrite, pendant des mois, sur une liste d’attente.

«Je ne rajeunis pas, je crains parfois qu’on ne puisse continuer de me donner les mêmes services. Mais si je suis ici aujourd’hui c’est surtout pour dire que d’autres personnes aussi malades que moi devraient recevoir au moins les mêmes services que moi. Comme on ne nous hospitalise à peu près plus, le moins que puisse faire le gouvernement, c’est de débloquer l’argent pour que les CLSC nous viennent en aide à domicile.»

Julie, jeune adulte atteinte de fibrose kystique

Julie a 23 ans. Elle est gravement atteinte de fibrose kystique. En dépit de sa maladie, elle a toujours été très active. Depuis l’âge de 17 ans, elle vit seule en logement. Elle a poursuivi des études collégiales, et participe activement au Comité provincial des adultes fibro-kystiques. Elle a également siégé au Conseil d’administration de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec.

Au cours des deux récentes années, avant de recevoir une greffe pulmonaire, sa condition physique a nécessité qu’elle reçoive des services de soutien à domicile en oxygénothérapie et inhalothérapie. Au départ, les visites de l’inhalothérapeute se faisaient aux deux semaines puis, à chaque semaine. Ayant constaté que l’état de santé de Julie s’était détérioré (infections pulmonaires, fatigue chronique et essoufflement), l’inhalothérapeute a évalué que celle-ci avait besoin de séances de drainage postural (clapping) et l’a référée à son médecin traitant. Celui-ci lui a prescrit une séance par jour. L’inhalothérapeute a également proposé à Julie de voir une travailleuse sociale du CLSC afin que celle-ci fasse l’évaluation de ses besoins en terme d’aide domestique (cuisine et ménage). À ce moment-là, Julie a pu, grosso modo, obtenir du CLSC les services requis.

La situation s’est stabilisée pendant quelques mois puis son état de santé a empiré, ce qui impliquait davantage de soins et de services à domicile. La travailleuse sociale a évalué que le nombre d’heures de services devait passer de 18 heures à 27 heures. Or, le CLSC a refusé de les lui accorder, considérant la longue liste d’attente et le manque de ressources financières à sa disposition. La travailleuse sociale a fait part à Julie qu’elle devrait envisager d’être hébergée dans un centre de soins de longue durée malgré son jeune âge.

Devant cela, pour éviter l’hébergement proposé, Julie a dû faire appel à sa mère qui a accepté de la recevoir chez elle. Ayant changé de territoire de CLSC, Julie a dû attendre plus de trois semaines avant d’être vue par une inhalothérapeute. Durant cette période, c’est sa mère qui a dû assumer les séances de drainage postural, soit une heure le matin, avant d’aller travailler et une heure le soir, à son retour de travail, en plus des soins personnels dont avait besoin Julie.

Après avoir été vue par l’inhalothérapeute, il a été convenu que Julie devait avoir trois séances par jour de drainage postural, chacune de ces séances devant durer une heure. On comptait sur la mère de Julie pour la troisième séance journalière ainsi que les trois requises par jour durant les fins de semaine, de même que pour les travaux domestiques et les soins personnels requis par l’état de santé de Julie. Julie estime que sa mère consacrait à ses soins au minimum 14 heures par semaine, alors que le CLSC n’en assumait que 10.

Cette situation a perduré pendant quelques mois, avant que Julie ne bénéficie d’une greffe pulmonaire. Elle estime qu’elle n’a pas reçu les services auxquels elle avait droit.

 

Estelle, aidante au-delà de ses limites

Estelle a 60 ans. Il y a cinq ans à peine, elle vivait à St-Hyacinthe. Même si elle a été victime d’un accident cérébro-vasculaire en 1995 qui l’a laissée avec une main paralysée et une jambe peu mobile, elle a quitté St-Hyacinthe en 1998 pour venir prendre soin de sa mère, de 80 ans, elle aussi victime d’un ACV. Depuis la mère d’Estelle ne peut se déplacer sans aide, elle est incapable de faire sa toilette seule et de préparer ses repas. Le CLSC ne peut offrir que le service de bain et c’est Estelle qui doit s’occuper de tout le reste malgré ses propres limites.

Simplement pour aller faire les commissions, Estelle doit installer sa mère dans un fauteuil, avec un verre d’eau, une petite collation et lui rappeler de ne pas se lever quoi qu’il arrive. (Soulignons que sa mère a eu une fracture de la cheville l’année dernière simplement en tentant de passer de son lit à sa toilette d’aisance). Marchant avec une canne, Estelle se rend à l’épicerie d’où elle appellera plusieurs fois de son cellulaire pour s’assurer que tout va bien. S’il n’y a pas de problème, les sacs d’épicerie seront livrés à domicile. Il y a deux semaines en tentant de répondre à la porte, sa mère a fait une chute et la voisine qui venait lui rendre une brève visite a dû chercher de l’aide auprès des voisins présents, pour la relever. Ce jour-là, les commissions sont restées dans le panier, Estelle appelait mais personne ne répondait. Elle est donc rentrée aussi rapidement que possible.

Pour la préparation des repas, ce n’est pas toujours simple. Estelle peut préparer des repas cuisinés seulement si elle a quelqu’un qui peut l’aider à sortir les plats du four. Pour les déjeuners et les dîners, la préparation doit être simple pour qu’elle puisse y arriver : des céréales, des toasts ou des salades. Il arrive à l’occasion qu’un monsieur qui habite le même bloc leur apporte des mets préparés pour le souper. A l’occasion aussi, les repas sont directement livrés du restaurant mais c’est nettement au-dessus de leurs moyens pour y recourir tous les jours.

L’habillement quotidien nécessite qu’Estelle, qui n’a qu’une main fonctionnelle, et sa mère y mettent, toutes les deux, une énergie folle. Lors de ses propres visites chez le médecin, Estelle doit recruter et payer une personne qui veillera sur sa mère. Ainsi, seulement, elle pourra avoir la certitude que ce sera toujours la même personne qui viendra, ce qui n’est pas le cas avec l’agence privée qui offre parfois le service sur demande du CLSC.

Plus de deux ans se sont passés avant qu’Estelle ne puisse prendre des vacances, qu’elle ne puisse vraiment s’accorder du temps avec ses enfants, du temps pour elle. L’an dernier, sa sœur, une commerçante, a pu accueillir sa mère à Québec pour six semaines. Cette année, Estelle n’aura aucun répit. Elle vole ici et là quelques minutes pour souffler quand l’auxiliaire familiale est là pour le bain de sa mère et qu’elle n’a pas à s’en occuper.

Estelle a l’intention de tout faire pour éviter que sa mère soit envoyée dans un centre d’accueil contre son gré. Pour y arriver, elle aurait besoin d’aide pour le lavage des planchers, le ménage, la préparation des repas et quelques instants de répit. Ce ne sera pas possible tant que son CLSC n’aura pas les moyens de répondre aux besoins.
 
Sylvie, travailleuse remerciée de ses services

Nul n’ignore que les familles et les proches sont littéralement conscrits de gré ou de force. En décembre dernier, même le Vérificateur général du Québec en rajoutait en dénonçant le fait que les proches et les familles de personnes ayant des incapacités étaient devenus à toutes fins pratiques du «personnel d’appoint non rémunéré » pour le réseau. Mme Sylvie L. est l’une de celles dont parlait le Vérificateur général. Voici succinctement son histoire :

Depuis deux ans, elle est superviseure dans une importante compagnie de Montréal. Elle aime son emploi et est appréciée de son employeur. Au moment où son fils s’apprête à quitter la maison pour voler de ses propres ailes… elle apprend que sa mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Sylvie prend contact avec son CLSC, elle a besoin d’aide. Faute de ressources, le CLSC ne pourra lui offrir qu’une journée et demie de répit par semaine. Pour le reste, elle devra se débrouiller comme elle peut. Puisqu’elle veut conserver son emploi, Sylvie doit engager une personne pour s’occuper de sa mère qui ne peut rester seule, les trois jours de la semaine où elle n’a pas de services du CLSC. Dieu merci, comme nombre de personnes âgées, la mère de Sylvie avait amassé au cours des ans un petit pécule. Il s’envolera en fumée par les frais engagés.

Pendant ce temps, Sylvie avertit son employeur de la situation. Au début tout va bien. Bientôt, elle doit s’absenter deux jours pour s’occuper de sa mère. C’est à ce moment que ses relations avec son employeur prennent une autre tournure. Pendant un an, il prendra tous les moyens pour se débarrasser d’elle. Au bout d’un an, de guerre lasse, Sylvie accepte l’entente que lui offre son employeur pour qu’elle laisse son emploi.

Pendant une autre année, Sylvie s’occupera de sa mère qui vit dans le logement au-dessus du sien. 24 heures par jour, 7 jours par semaine, sauf la journée et demie de répit du CLSC. Elle se sent comme prise au piège, de n’être là que pour répondre aux besoins de sa mère. Cette fois-ci, c’est la relation avec son conjoint qui en prend un coup… Sylvie devra donc se résigner à demander une place en hébergement pour sa mère. Une fois encore elle a dû se battre pour obtenir gain de cause. Les places étant là aussi limitées, le CLSC ne voulait pas prioriser la situation : sa mère n’est pas en danger, elle s’en occupe.

Faute de ressources suffisantes allouées aux CLSC, Sylvie a perdu son emploi qui lui procurait 43 000 $ par année. Sa mère enfin hébergée, elle est à la recherche d’un emploi. Mais elle est consciente qu’elle a tout de même 48 ans et que la situation économique au Québec est devenue précaire. Tout compte fait, elle sera bien heureuse si elle retrouve un nouvel emploi à 35 000 $. En plus de perdre son emploi, de devoir accepter un nouvel emploi probablement moins bien rémunéré, Sylvie a dû dépenser les économies de sa mère et mettre en péril son couple. C’est cher payer pour compenser les services inexistants des CLSC et permettre ainsi au gouvernement d’avoir un bilan sans déficit. Car son déficit à elle, elle le trouve bien lourd…

 
En conclusion

On doit réaliser que le message est le même, qu’il soit porté par une personne avec des incapacités ou par une personne aidante. «Nous avons collectivement franchi les limites de l’inacceptable voire même de l’indécence sociale». Peu importe comment le gouvernement  justifiera que le Québec soit la province qui investit le moins dans les services publics à domicile, un fait demeure : le Québec n’a pas véritablement fait le choix des services à domicile publics et toutes ces personnes le paient très cher. 

Cette situation ne peut d’autant plus durer qu’elle va à l’encontre de l’article 1 de la Loi qui constitue l’assise de notre régime de santé et de services sociaux et qui stipule que «Le régime de services de santé et de services sociaux institué par la présente loi a pour but le maintien et l’amélioration de la capacité physique, psychique et sociale des personnes d’agir dans leur milieu et d’accomplir les rôles qu’elles entendent assumer d’une manière acceptable pour elles-mêmes et pour les groupes dont elles font partie. » Comment le gouvernement peut-il justifier que cet article ne s’applique pas à 1,2 million de personnes qui ont actuellement des incapacités au Québec ?

Ce que ces personnes demandent au gouvernement québécois n’a rien de déraisonnable : c’est l’équivalent de 68 cents de plus par jour pour chacune des personnes ayant des incapacités au Québec. Il est temps que l’on reconnaisse collectivement que les services à domicile, c’est plus qu’une affaire de cœur, c’est une question de droit.

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